Évolution de la végétation et du climat de la Baie du Bengale au cours du Cénozoïque : apports de l'étude de bois fossiles du Myanmar

Evolution of vegetation and climate in the Bay of Bengal during the Cenozoic : contributions from the study of Myanmar fossil wood

• Auteur / Autrice : Nicolas Gentis
• Direction : Anaïs Boura
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Paléobotanique
• Date : Soutenance le 04/11/2024
• Etablissement(s) : Paris, Muséum national d'histoire naturelle
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris ; 1995-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche en paléontologie (Paris ; 2009-....)
• Jury : Président / Présidente : Jean-Yves Dubuisson
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Anaïs Boura, Hans Beeckman, Nareerat Boonchai, Margareta Tengberg, Alexis Licht
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Jakub Sakala, Séverine Fauquette

Mots clés

Mots clés contrôlés

Bois fossile

Birmanie

Cénozoïque

Mots clés libres

Bois fossile

Biogéographie

Mousson

Gondwana

Myanmar

Anatomie

Fossil wood

Biogeography

Monsoon

Gondwana

Myanmar

Anatomy

Résumé

La collision indo-asiatique est un évènement géologique largement étudié. Initiée au cours du Paléogène, elle a impacté profondément les écosystèmes asiatiques en favorisant les échanges biotiques entre l'Afrique, l'Inde et l'Asie. Les échanges post-collision du Néogène sont bien documentés, attestant notamment de l'origine gondwanienne (Afrique, Amérique du Sud, Australie, Antarctique, Inde) d'une grande partie des lignées présentes aujourd'hui en Asie du Sud-Est et qui ont transité par l'Inde. En revanche, la temporalité et les modalités de ces échanges biotiques anté- ou syn-collision durant le Paléogène sont bien moins connues, du fait du manque de données pour cette période. Le constat est le même quant à l'évolution du climat et à la mise en place, entre autres, du régime de mousson. Le Terrane Birman, occupant l'ouest de l'actuel Myanmar, a néanmoins révélé de nombreux sites paléogènes et néogènes ayant fournis des restes végétaux. Bloc isolé au cours du Crétacé, il entre en collision avec l'Inde au début du Cénozoïque, puis avec l'Asie. Il se place alors sur la trajectoire des échanges biotiques, et comme région d'intérêt pour suivre les évolutions du climat et de la végétation. Ce travail propose de documenter ces évolutions au cours du Cénozoïque à travers l'étude du bois fossile du Terrane Birman. Jusqu'à présent, seule une trentaine de spécimens ayant une datation fiable étaient documentés. Nous ajoutons ici 97 nouveaux spécimens datés du Paléocène moyen, de l'Eocène moyen, de l'Oligocène inférieur et du Miocène inférieur. Nous verrons que les onze spécimens du Paléocène, dont deux palmiers, arborent une diversité anatomique semblable à celle des flores de l'Inde pour la même période, et indiquent un assemblage d'éléments gondwaniens et laurasiatiques. La persistance dans le temps des éléments gondwaniens sera davantage explorée à travers six taxons de l'Eocène et de l'Oligocène. Ils mettent en avant l'existence d'une Paléo-province Floristique Indo-Myanmar au Paléogène ayant un certain degré d'endémisme d'héritage gondwanien. Ils soutiennent aussi l'existence de deux chemins de dispersion possibles vers le Terrane Birman puis l'Asie : soit un passage intermédiaire par l'Inde, soit par l'arc Trans-Téthysien, servant de tremplins successifs. La province floristique s'est maintenue au moins jusqu'à l'Oligocène et a agi comme une aire de rétention depuis laquelle certains taxons, comme les Dipterocarpaceae, se sont dispersés vers l'Asie, alors que d'autres y sont restés confinés. Dans la continuité de ces résultats, l'ajout de 47 nouveaux spécimens aux assemblages Eocène et Oligocène révèle la présence de morphologies inédites et d'une grande diversité anatomique. Ils soutiennent l'existence précoce d'une alternance marquée entre saisons sèches et humides semblable à la mousson, et la coexistence d'une mosaïque d'écosystèmes ayant favorisée la persistance de lignées végétales variées. Enfin, nous verrons que les 30 spécimens du Miocène contrastent par l'abondance de taxons de climat saisonnier humide, typiques des forêts du Sud-Est asiatique. Cette incursion humide est interprétée comme une intensification du régime de mousson, entrainant des précipitations plus fortes ; l'élévation de la Chaîne Indo-Birmane n'apparaissant pas assez significative pour entrainer des précipitations d'origine orographique. Le Myanmar s'impose donc comme un témoin essentiel de l'histoire biogéographique des écosystèmes forestiers, fortement couplée à celle de l'Inde, et dont l'héritage gondwanien a persisté durant tout le Paléogène. Les climats saisonniers ont favorisé la coexistence d'écosystèmes différents et les échanges floristiques avec l'Asie. Les variations d'intensité de la mousson, cumulées aux changements climatiques du Quaternaire et la mise en place finale des reliefs, ont tardivement rendu distinctes les flores du Myanmar et de l'Inde.

The Indo-Asian collision is a well-studied geological event. Initiated during the Paleogene, it had a profound impact on Asian ecosystems by facilitating biotic exchanges between Africa, India, and Asia. The exchanges following the collision during the Neogene are well-documented, highlighting the Gondwanan origins (Africa, South America, Australia, Antarctica, India) of many lineages now present in Southeast Asia, which transited through India. However, the timing and nature of these biotic exchanges before or during the Paleogene collision remain much less understood due to a lack of data from this period. The same is true for the evolution of climate and the establishment of systems like the monsoon regime. The Burma Terrane, located in what is now western Myanmar, has nevertheless yielded numerous Paleogene and Neogene sites with plant remains. Isolated during the Cretaceous, this block collided with India at the beginning of the Cenozoic, followed by a collision with Asia. It then can be seen as a conduit for biotic exchanges and an area of interest for tracing climate and vegetation evolution. This study aims to document these changes throughout the Cenozoic by examining fossil wood from the Burmese Terrane. Until now, only about thirty reliably dated specimens had been documented. In this work, we add 97 new specimens dated to the Middle Paleocene, Middle Eocene, Lower Oligocene, and Lower Miocene. We will see that the eleven Paleocene specimens, including two palms, exhibit anatomical diversity similar to that of Indian flora from the same period, indicating an assemblage of Gondwanan and Laurasian elements. The persistence of Gondwanan elements over time is further explored through six taxa from the Eocene and Oligocene. These findings suggest the existence of an Indo-Myanmar Paleofloristic Province during the Paleogene, characterized by a degree of Gondwanan heritage endemism. They also support the possibility of two dispersal pathways to the Burma Terrane and then to Asia: either through an intermediate passage via India or through the Trans-Tethyan Arc, serving as a series of stepping stones. This floristic province persisted at least until the Oligocene and acted as a “holding pen” from which some taxa, such as the Dipterocarpaceae, dispersed into Asia, while others remained confined to the region. Building on these findings, the addition of 47 new specimens to the Eocene and Oligocene assemblages reveals the presence of unique morphologies and significant anatomical diversity. They support the early existence of a pronounced alternation between dry and wet seasons, similar to the monsoon, and the coexistence of a mosaic of ecosystems that favored the persistence of diverse plant lineages. Finally, we will see that the 30 Miocene specimens stand out due to the abundance of taxa typical of wet seasonal climates, characteristic of Southeast Asian forests. This humid incursion is interpreted as an intensification of the monsoon regime, leading to increased precipitation, with the uplift of the Indo-Burman Range not appearing significant enough to induce orographic rainfall. Myanmar thus emerges as a crucial witness to the biogeographic history of forest ecosystems, closely linked to that of India, with a Gondwanan heritage that persisted throughout the Paleogene. Seasonal climates fostered the coexistence of different ecosystems and floristic exchanges with Asia. The varying intensity of the monsoon, combined with Quaternary climatic changes and the final establishment of topography, eventually led to the distinct floras of Myanmar and India.