Thèse soutenue

Médiation interculturelle de la Danse du Lion dans la communauté sino-réunionnaise : étude des zones Océan Indien (La Réunion, Maurice) et Pacifique sud-ouest (Singapour, Malaisie, Taïwan)

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Auteur / Autrice : Idriss Soune-Seyne
Direction : Nathalie WallianChing-Wei Chang
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'éducation
Date : Soutenance le 06/12/2024
Etablissement(s) : La Réunion
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences humaines et sociales (Saint-Denis, La Réunion ; 2010-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de recherche Langues, textes et communications dans les espaces créolophones et francophones (Saint-Denis, Réunion) - Langues, textes et communication dans les espaces Créolophones et Francophones
Jury : Président / Présidente : Mylène Eyquem-Lebon
Examinateurs / Examinatrices : Mylène Eyquem-Lebon, Vincent Grosstephan, Nathalie Carminatti, Denis Loizon
Rapporteurs / Rapporteuses : Vincent Grosstephan, Nathalie Carminatti

Résumé

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Portée par la migration engagiste des coolies à La Réunion (Wong-Hee-Kam, 1996), la Danse du Lion se situe à la croisée de l’art sacré, de l’art martial (Wu Shu) et de l’art du spectacle. Cette pratique a pour double projet la médiation intergénérationnelle et l’ouverture interculturelle (Abdallah-Pretceille, 2020) : elle se transforme sur la trajectoire migratoire depuis la Chine sous l'impulsion des Grands Maîtres. La question est de savoir comment les familles sino-réunionnaises s'emparent de cette pratique patrimoniale immatérielle vivante pour opérer la médiation culturelle en contexte. Quels liens avec la Chine font-elles perdurer pour la jeunesse réunionnaise et quelles formes d'expression culturelle sont déployées en contexte, à la croisée des traditions ancestrales et des mutations sociétales (Hobsbawm et Ranger, 2012)? Une frise chronologique du mouvement migratoire engagiste chinois réunionnais est élaborée en préalable.Le programme doctoral s’articule dans une phase exploratoire autour de la cartographie des Danses du lion réunionnaises (N = 555, 8 ans) qui montre que les lieux de pratique, partitionnés selon les Hakka et les Namsun, sont essentiellement attachés aux commerces, aux institutions républicaines et à la représentation étatique chinoise, assurant ainsi le lien culturel fort entre spiritualité, socialité et pouvoir. En faisant circuler la jeunesse sur toute l'Ile, la Danse du Lion l'amène à se rencontrer lors des moments festifs et à nouer une socialité juvénile motivée par le partage de cette pratique cultu(r)elle. L'étude 1 porte sur le récit de vie des trajectoires migratoires et sociales des récits de vie (Delory-Momberger, 2019) de personnalités marquantes de la communauté. Elle permet de mieux comprendre les conditions de vie, d'insertion sociale puis de médiation culturelle des familles migrantes issues de l'engagisme. Puis la pratique patrimoniale du lion, emmenée dans les bagages culturels du périple migratoire familial, est questionnée en qualité d'emblème de la transmission. L'étude 2 propose de remonter la trajectoire migratoire de la danse du lion selon trois aires culturelles indianocéaniques (Maurice, Kuala Lumpur, Taïwan) en référence à la pratique originelle (Chine). Un triple croisement externaliste/internaliste (Maître, chercheur, pratiquant) permet d'accéder au statut épistémologique et épistémique de cet objet patrimonial. L’étude en observation participante (14 mois) recueille le discours de Grands Maîtres en contexte (N=3 entretiens; 180') et montre que la pratique est réinterprétée de façon délibérée selon le contexte culturel d'inclusion. Enfin l'étude 3 propose un test projectif invitant les Maîtres à analyser une modalité de danse compétitive (chorégraphie du crabe, T=9’). En interprétant la pratique finement selon le style martial d'appartenance, l'inspiration chorégraphique ou le projet de spectacularisation, chaque Grand Maître tente de ''transmettre la tradition et faire fleurir son art'' en contextes. Cette procédure de créolisation de la pratique dénote une conception ouverte du partage de l'objet patrimonial : en questionnant leur rapport à l’altérité, ils procèdent à une réinvention de la tradition, quitte à casser les codes pour les déplacer tout en innovant pour performer.Ainsi la Danse du lion constitue un emblème de l'identité sino-réunionnaise dans sa dimension interculturelle et créolisée. En promouvant le partage culturel festif, elle autorise une médiation de savoirs et de valeurs tout en réinventant la tradition à l'adresse d'une jeunesse destinée à s'ouvrir aux mondes. Assumant la tension entre ''transmettre et/ou innover'', le dilemme des Grands Maîtres de Danse du lion questionne toute modalité de transmission patrimoniale dans un contexte culturel de prise en charge sociétale et communautaire.