Thèse soutenue

Analyse isotopique de l'ammonium et du nitrate provenant de la carotte IceMemory du Col du Dôme (Mt-Blanc) : Deux sentinelles des changements de la composition chimique de l'atmosphère de l'Europe occidentale au cours du siècle dernier

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Auteur / Autrice : Alexis Lamothe
Direction : Joël SavarinoPatrick Ginot
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la Terre et de l’Environnement
Date : Soutenance le 06/02/2024
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la terre, de l’environnement et des planètes (Grenoble, Isère, France ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut des géosciences de l'environnement (Grenoble)
Jury : Président / Présidente : Aurélien Dommergue
Examinateurs / Examinatrices : Kathy Law, Jan Kaiser
Rapporteur / Rapporteuse : Margit Schwikowski-Gigar, Becky Alexander

Résumé

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Les oxydes d'azote (NOx) et l'ammoniac (NH3) sont les principales espèces azotées impliquées dans la formation d’aérosols, avec des émissions anthropiques en forte hausse au XXe siècle. Les NOx proviennent principalement de processus de combustions notamment fossiles, tandis que les sources agricoles dominent les émissions de NH3. Compte tenu de leur impact sur la santé et l'environnement, les gouvernements ont mis en œuvre des politiques de contrôle des émissions à partir des inventaires déclarés. Permettant d’enregistrer la composition passée de l'atmosphère, les carottes de glace sont un moyen de retracer les émissions historiques de NOx et NH3. Toutefois, les concentrations de NO3- et de NH4+ dans les carottes de glace, les formes déposées de NOx et de NH3, ne suivent pas la baisse estimée des émissions depuis 1990.Les isotopes 15N de NO3- et NH4+ dans les aérosols permettent de retracer sources et processus de formation, et ainsi quantifier les contributions des sources. Alors qu’aucune mesure de 15NH4+ dans la glace n'existe, un débat règne sur l’utilisation de 15NO3- comme traceur de sources, fractionnement atmosphérique ou phénomènes post-dépôt. Afin d'éviter les altérations du signal de sources, nous étudions une carotte de glace forée au Mont-Blanc, proche des sources d'émission et avec une accumulation importante pour limiter les fractionnements atmosphérique et post-dépôt.Le point central est de déterminer si les isotopes 15N de NO3- et NH4+ reflètent des changements de sources, et sinon, de quantifier et corriger les fractionnements isotopiques. Les enregistrements corrigés peuvent alors évaluer les contributions des sources naturelles et anthropiques, y compris l'agriculture, l'industrie et le transport, et être comparées aux inventaires.La première étape est le développement d’une méthode de mesure du 15NH4+ dans les carottes de glace. Parallèlement, une base de données chimiques atteste de la conservation du signal atmosphérique dans la glace, et permet d’établir un modèle d'âge remontant à l'ère préindustrielle.Le premier enregistrement de 15NH4+ englacé offre un historique des émissions de NH3 en Europe occidentale sur 300 ans. Après correction des fractionnements atmosphériques, le 15NH4+ révèle l’évolution des sources naturelles et anthropiques de NH3, en distinguant agriculture et combustion. A partir de la fin du XIXème siècle, les émissions anthropiques dépassent les émissions naturelles, avec l’essor de l'agriculture intensive et de la combustion fossile. Nous mettons en avant que, entre 2010 et 2016, l'agriculture a émis au maximum 78 % des émissions anthropiques de NH3, une estimation considérablement inférieure aux inventaires.Parallèlement, le 15NO3- documente 1000 ans de changements de sources en NOx. L'état préindustriel, où les variations de NOx s'expliquaient par les émissions naturelles, a été fortement perturbé au cours des deux derniers siècles, les émissions anthropiques devenant prédominantes à partir des années 1920. Le boom économique post-1950 a entraîné d'importantes émissions provenant des combustibles fossiles et de l'agriculture, avant que les politiques d'atténuation des NOx après 2000 les réduisent considérablement. Les inventaires récents sous-estiment cependant la contribution des sources non fossiles de NOx.Dans l'ensemble, notre étude prouve que les isotopes 15NO3- et 15NH4+ dans la carotte du Mont-Blanc offrent un enregistrement des sources de NOx et NH3 en Europe occidentale, une conclusion pouvant probablement être étendue à d'autres glaciers non polaires. Nos résultats soulignent la nécessité de réviser les inventaires d'émissions européens et ainsi appliquer des politiques d'atténuation efficaces prenant en compte toutes les sources, y compris naturelles. Enfin, notre travail souligne que de riches informations sont encore enfouies dans les archives glaciaires alpines, à une époque où la fonte des glaciers entraîne des pertes irrévocables.