La mise au travail des réfugié·es en France : enquête sur les modes d'incorporation économique des gouverné·es de l'asile.
Auteur / Autrice : | Fred Salin |
Direction : | Alexis Spire |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 12/12/2024 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Johanna Siméant-Germanos |
Examinateurs / Examinatrices : Johanna Siméant-Germanos, Sébastien Chauvin, Nicolas Duvoux, Mirna Safi | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Sébastien Chauvin, Nicolas Duvoux |
Mots clés
Résumé
La thèse vise à analyser ce qui détermine les conditions d’accès au marché du travail (la mise au travail) des personnes venues en France par le système d’asile (les gouverné·es de l’asile) et à penser les trajectoires économiques, prises dans des modalités d’assignation et d’exploitation spécifiques, d’une immigration cadrée comme politique. En s’appuyant sur un dialogue critique avec le concept de mode d’incorporation, les premiers chapitres historiques reconstituent, à partir d’archives croisées d’administrations et d’associations, l’incorporation économique différentielle (c’est-à- dire structurant et structurée par différents rapports sociaux de domination) des réfugié·es en France, des années 1920 aux années 2010. Je retrace ainsi l’émergence d’un régime spécifique de mise au travail des réfugié·es, puis sa scission à partir des années 1980, en analysant dans chaque configuration historique le jeu croisé des individus et organisations formant le sous-champ bureaucratique de gestion des réfugié·es : administrations, organisations et membres de l’espace de la cause des réfugié·es ou acteurs économiques. La spécificité de la mise au travail des réfugié·es est alors à chercher dans les droits acquis, dans les dispositifs concrets ou encore dans des modes spécifiques de contrôle des mobilités (camps et centres). À partir d’un terrain au ministère de l’Intérieur et d’entretiens réalisés en 2020 et 2021 avec des acteurs associatifs, privés lucratifs et publics, je m’intéresse ensuite à la politique publique dite d’« intégration professionnelle des réfugiés » déployée à partir de 2015. J’étudie la genèse sous tension de cette politique à la lumière des clivages du champ administratif. Je montre l’effet de l’investissement d’une multiplicité d’acteur·ices du privé lucratif sur le cadrage discursif de l’emploi des réfugié·es, l’organisation de l’action publique et la structuration du champ associatif. J’analyse également la production d’un français au rabais et d’une garantie de compétences dégradées par des associations d’intermédiation de l’emploi des réfugié·es prises en étau entre l’État et le marché. Enfin, à partir de l’exploitation statistique de l’enquête ELIPA 2 et d’entretiens réalisés auprès de personnes exilées, je tente de comprendre les statuts et trajectoires d’activité des réfugié·es à la fin des années 2010 en articulant méthode qualitative et méthodes quantitatives dans une perspective intersectionnelle. À travers différentes périodes et différentes méthodes, je propose donc d’analyser la mise au travail des gouverné·es de l’asile en France comme un produit des modes d’incorporation économique différentiels. Si les conditions matérielles et juridiques des réfugié·es favorisent dans l’ensemble la disponibilité de leur force de travail dans les segments subalternes de l’appareil productif, venant renforcer une division classiste, genrée et ethnoraciale du travail, certains groupes et certaines personnes sont à même d’opposer aux contraintes institutionnelles des ressources collectives ou individuelles, c’est-à-dire d’être un peu moins gouverné·es.