''Faire l'éduc''. Genre et temporalités de l'autorité. : ethnographie de la relation d'autorité au sein d'une unité de l'Aide Sociale à l'Enfance spécialisée dans la prise en charge d'adolescents et adolescentes dites ''difficiles''
Auteur / Autrice : | Aurélien Cadet |
Direction : | Isabelle Coutant, Marwan Mohammed |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 12/12/2024 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Bertrand Ravon |
Examinateurs / Examinatrices : Bertrand Ravon, Pierrine Robin, Régis Schlagdenhauffen, Séverine Chauvel, Nicolas Sallée | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Pierrine Robin, Régis Schlagdenhauffen |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Depuis les violences urbaines de 2023, l’intensification des discours politiques et débats publics en faveur du « maintien de l’ordre » s’accompagne de l’invocation d’un ''retour de l’autorité''. Impliquant tous les champs relatifs à l’éducation, l’utilisation de cette formule renvoie à une prétendue naturalité de l’autorité, comme un attribut qui serait déjà là, et qui s’imposerait de lui-même. Pourtant, un détour par la philosophie politique démontre que l’autorité est relative au temps et qu’elle suscite une ''obéissance non-contrainte''. Cette première mise en énigme a été importéedans le champ de l’éducation spécialisée pour reconceptualiser l’autorité depuis « le bas » : il s’agissait d’ethnographier la relation d’autorité depuis le quotidien d’une unité éducative de l’Aide Sociale à l’Enfance (Ase) spécialisée dans la prise en charge d’adolescents et adolescentes dites « difficiles ».Menée à partir d’un poste d’« éducateur-chercheur », cette sociologie des présences éducatives a d’abord consisté en un travail de dénaturalisation : une première lecture féministe révèle le genre de l’autorité qui structure la prétention de l’avoir – « l’autorité naturelle » – en l’analysant comme des performances de genre. À l’image de l’expression « poser le cadre », l’engagement impensé des corps, en premier lieu des hommes virils, produit et reproduit le primat du visible. Ainsi, l’enjeu d’occuper l’espace engendre l’autorité spatialisée : basée sur la supposition d’un devoir d’obéissance intériorisé chez les jeunes, les éducateurs et éducatrices maintiennent l’ordre, traitent les comportements « hors-cadre » comme déviants, tout en suggérant un potentiel de violence.Après avoir dévoilé cette spatialisation de l’autorité, la thèse « prend le temps » pour la relire à partir des temporalités de la relation, c’est-à-dire à partir des expériences temporelles subjectives des éducs et des jeunes. En allant au-delà de la scène, l’ethnographie donne à voir un « faire autorité » qui se décline moins en actes qu’en effets, sensible à sa réception à laquelle le souci de temporalisation donne accès : la thèse fait apparaître une autorité temporalisée, hébergée par la confiance et la réciprocité, agissant comme une promesse renouvelée. Renforcé par un doubleimpensé autour du genre et des temporalités, « faire autorité [avec] » est relégué aux coulisses et subordonné au « chrono-maître », ce temps quantitatif et dominant de l’institution qui suit le programme.Enfin, l’analyse de l’antagonisme entre enjeux de spatialisation et souci de temporalisation permet d’atteindre les dérives de l’autorité : en l’absence d’intériorisation du devoir d’obéissance chez les jeunes et du souci de réception chez les éducateurs et éducatrices, la thèse décrit des présences contraignantes inscrites dans une relation de pouvoir qui défait l’autorité.