Cultiver la ville post-socialiste : l’agriculture urbaine à Bucarest, entre héritage rural et transformations urbaines
Auteur / Autrice : | Carmen Rafanell |
Direction : | Jean-Marc Besse, Samuel Rufat |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Géographie |
Date : | Soutenance le 26/11/2024 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Béatrice von Hirschhausen |
Examinateurs / Examinatrices : Béatrice von Hirschhausen, Jean Noël Consalès, Guillaume Lacquement, Flaminia Paddeu, Bogdan Alexandru Suditu | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean Noël Consalès, Guillaume Lacquement |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Face aux défis liés au développement durable, les relations entre villes et production alimentaire se reconfigurent. L’agriculture urbaine apparaît comme un nouvel outil pour faire face aux problématiques environnementales et climatiques, en particulier dans les métropoles européennes. En Roumanie, au tournant des années 2010, encore environ la moitié de la population produisait une partie de son alimentation, une proportion proche de celle que connaissaient certains pays d’Europe occidentale au moment de la mise en place de la Politique Agricole Commune. Sa capitale, Bucarest, est porteuse d’un long héritage agricole qui perdure depuis plusieurs siècles au travers de pratiques d’autoconsommation, maintenues dans l’espace domestique ou dans des lieux occupés informellement. Les activités de jardinage et l’élevage ont constitué un moyen pour des populations d’origine paysanne de maintenir un lien avec le monde rural après leur arrivée en ville, mais elles ont aussi représenté une stratégie de survie pour faire face aux pénuries et aux crises, notamment à la fin de la période socialiste et pendant la transition post-socialiste.Cette thèse de géographie urbaine se propose d’analyser ces pratiques agricoles urbaines au prisme des transformations d’une métropole post-socialiste, capitale de l’un des derniers pays à avoir intégré l’Union européenne. La thèse interroge la capacité des habitants à perpétuer et renouveler des pratiques et un mode d’habiter issus du monde rural dans un contexte présentant de fortes contraintes foncières, sociales et économiques. En analysant la manière dont se noue, autour de l’agriculture urbaine, des conflits entre des manières de concevoir, de pratiquer et d’habiter la ville distinctes, la thèse contribue à une réflexion plus large sur les modes d’appropriation vernaculaires de l’espace urbain.La thèse croise une démarche qualitative inspirée de l’ethnographie avec des entretiens, l’observation, la cartographie et la télédétection. Dans une perspective critique, cette approche confère une place centrale aux acteurs (habitants, institutionnels, privés) qui font la ville, et aux dynamiques engendrées à plusieurs échelles par l’entrée dans l’économie de marché et la conformation à un modèle de gouvernance néolibérale. L’étude de sources textuelles et d’archives permet d’enrichir l’analyse des évolutions récentes avec un regard sur son histoire depuis le XIXe siècle.Une approche diachronique révèle une préoccupation historique des gouvernements urbains pour l’aspect rural de Bucarest, qui se traduit par des politiques visant à encadrer les activités agricolesou à les repousser hors de la ville. Cette posture des élites urbaines perdure après 1989, conduisant à une reconfiguration profonde de la place de l’agriculture au sein de la ville. L’étalement urbain, la densification du bâti et des réglementations urbaines permissives ont réduit la part du foncier agricole, tandis que la transformation des modes de vie liée à l’apparition de la consommation de masse ont contribué au délaissement de certaines activités agricoles. L’apparition de nouvelles initiatives de jardins communautaires au tournant des années 2010, davantage intégrées aux politiques urbaines et calquées sur des modèles occidentaux, ont débouché sur une mise en concurrence de différents modèles d’agriculture urbaine.Cette thèse participe à une meilleure (re)connaissance de l’agriculture en Europe centrale et orientale. En rompant avec l’idée selon laquelle les pratiques d’autoconsommation y représentent uniquement un moyen de survie pour des populations pauvres, elle affirme la nécessité d’une prise en compte des héritages culturels et les attachements sous-jacents au maintien de ces usages.