De la place publique aux Forêts du Nord : une étude sociologique des collectifs de lutte écologistes dans l’après-mouvement “Gezi Park” à Istanbul (2013-2018)
Auteur / Autrice : | Gökçe Tuncel |
Direction : | Nilüfer Göle |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 29/03/2024 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Héloïse Nez |
Examinateurs / Examinatrices : Héloïse Nez, Geoffrey Pleyers, Yves Sintomer, Vincent Duclert, Sezin Topçu | |
Rapporteur / Rapporteuse : Geoffrey Pleyers, Yves Sintomer |
Mots clés
Résumé
Cette thèse étudie les conséquences ou les « échos » du mouvement social « Gezi Park » entre 2013 et 2018. Elle cherche à saisir les impacts sur le plan biographique, organisationnel et politique (culture politique) à travers l’étude de deux collectifs écologistes fondés au lendemain du mouvement : Défense des Forêts du Nord (Kuzey Ormanları Savunması) et Collectif de vélo Don Quichotte (Don Kişot Bisiklet Kolektifi). L’enquête est composée d’observations participantes et de 45 entretiens semi-directifs menés à Istanbul entre 2016 et 2018. Les collectifs de lutte étudiés agissent dans et pour l’espace urbain de la ville d’Istanbul à différentes échelles et se consacrent à des luttes spécifiques. Ils se situent strictement en dehors de la politique institutionnelle, ce qui signifie qu’ils refusent de participer et de coordonner toutes sortes d’actions avec des formations militantes ayant des liens avec les acteurs partisans. Cette étude interroge les dynamiques de politisation multiples, à la fois des individus et des actions des collectifs de lutte. Elle cherche à comprendre comment et par quel chemin les acteurs finissent par être engagés dans ces collectifs de lutte écologistes. Quel est le sens politique, d’après eux, de leur engagement politique dans l’après-mouvement Gezi ? Comment et par quelles modalités qualifient-ils leurs actions de politique, contestataire et écologiste ? Après une introduction qui situe le mouvement Gezi dans l’histoire des luttes écologistes et le relie à une contestation plus large sur la nature et l’idéologie développementaliste de l’Etat turc, la thèse s’organise en deux parties. Elle commence par suivre la trajectoire politique des enquêtés afin d’analyser les conséquences biographiques du mouvement Gezi et de montrer dans quelle mesure, et selon quelles modalités, ces conséquences engendrent ou non des bifurcations, des ruptures, des (re)négociations dans leurs différentes sphères de vie. Son objectif est de comprendre comment et par quels chemins les enquêtés sont amenés à s’investir, durablement, dans les collectifs écologistes post-Gezi au sein d’un contexte socio-politique intense marqué par plusieurs bouleversements et crises politiques entre 2015 et 2018. Elle s’efforce également de montrer comment les enquêtés se retrouvent impliqués dans des dynamiques d’engagement, de désengagement et de réengagement tout en prenant des chemins différents. À la lumière de ces trajectoires individuelles, la thèse donne ensuite à voir la trajectoire collective cette fois-ci à travers le travail mené par les militants dans la définition des enjeux, des revendications, des alliés/adversaires, des actions à adopter, du langage à employer. Ensuite, les registres d’actions contestataires sont analysés à travers les luttes contre les « mégaprojets » du troisième pont et du troisième aéroport tout comme leurs évolutions à l’aune du contexte social et politique. Entre 2013 et 2015, la thèse montre l’importance croissante des modes d’action liés à l’espace, à la dimension matérielle et locale des lieux défendus afin de mettre en évidence comment l’écologie et l’espace urbain se trouvent imbriqués l’un à l’autre dans les registres d’actions des collectifs qui proposent une nouvelle définition et une nouvelle compréhension de ce qui est considéré comme l’espace urbain de la ville d’Istanbul. Ce travail souhaite mettre en évidence la mise en place de différentes stratégies et interroge les registres d’actions qui font l’objet, à partir de 2015, d’adaptation et de discours de justification et de légitimation face au changement de contexte politique. Cette thèse peut contribuer à la littérature de la sociologie des mobilisations écologistes et urbaines et du processus de (dé)politisation des actions collectives ainsi qu’aux études sur les conséquences des mouvements sociaux.