Thèse soutenue

Méritocratie et redistribution

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Auteur / Autrice : Yuchen Huang
Direction : Claudia Senik
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences économiques
Date : Soutenance le 29/03/2024
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale d'Économie (Paris ; 2004-....)
Jury : Président / Présidente : Roberto Galbiati
Examinateurs / Examinatrices : Roberto Galbiati, Ruben Durante, Alexander W. Cappelen, Marc Fleurbaey, Alain Trannoy
Rapporteurs / Rapporteuses : Roberto Galbiati, Ruben Durante

Résumé

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Cette thèse de doctorat explore la relation entre la croyance en la méritocratie et la demande de redistribution, en mettant l’accent sur la Chine. Elle remet en question l’hypothèse courante de la littérature selon laquelle les résultats liés à l’effort sont considérés comme justes et ne nécessitent pas de redistribution, tandis que ceux liés aux circonstances et chances sont perçus comme injustes et justifient la redistribution.Dans le premier chapitre, à partir de données d’enquêtes internationales, je constate que de telles préférences se trouvent principalement dans les pays Occidentaux, Éduqués, Industrialisés, Riches et Démocratiques (WEIRD), en particulier les nations anglo-saxonnes et protestantes européennes. Une corrélation positive entre la croyance en le rôle de l’effort dans la réussite et la demande de redistribution est répandue dans les pays en dehors du monde développé occidental, où plus on croit que l’effort paye, plus on désire la redistribution. Le deuxième chapitre, co-écrit avec Yuqian Nora Chen et Zhexun Mo, présente une expérience d’enquête auprès d’un échantillon représentatif de chinois, où les répondants réduisent significativement leur demande de redistribution lorsqu’ils voient des exemples de personnes devenant riches par des moyens non forcément méritocratiques mais représentatifs de la période de transition du marché. Une enquête subsidiaire confirme que les répondants ne considèrent pas ces exemples comme des signes de capacité personnelle extraordinaire ou d’inefficacité gouvernementale. Nous concluons que ces exemples représentant les chanceux de la transition bénéficient d’une grande légitimité parmi les chinois pour deux raisons potentielles : l’équité relative par rapport à l’inégalité politique avant la réforme et l’intérêt personnel pour l’ensemble de la population à justifier le gain dans le processus de transition.Le troisième chapitre, co-écrit avec Margot Belguise et Zhexun Mo, discute l’une des raisons potentielles d’une telle préférence dans le cas de la Chine : une forte conformité au statu quo. Nous revisitons un résultat expérimental récent par Almås et al. (2021) où le peuple chinois semble ne pas faire la différence entre les inégalités basées sur le mérite et la chance. Nous proposons que ce phénomène pourrait être dû à une plus grande adhésion du public chinois au statu quo, ce qui conduit à une préférence apparemment faible pour la redistribution à la fois lorsque l’inégalité est due à l’effort et à la chance. Pour tester cette hypothèse, nous avons mené une expérience de redistribution incitative avec des étudiants d’universités d’élite en Chine et en France, en faisant varier la répartition initiale des gains entre deux travailleurs réels à redistribuer. Nous montrons que les répondants chinois choisissent de manière cohérente et significative plus de non-redistribution (en jouant le statu quo) dans les deux scénarios de statu quo très inégal et relativement égal que nos répondants français ; et que les répondants chinois qui s’éloignent du statu quo font la différence entre les inégalités basées sur le mérite et la chance. Notamment, nos résultats montrent que la conformité des individus chinois au statu quo est particulièrement prononcée chez ceux issus de familles de classe ouvrière et agricole, tandis qu’elle est remarquablement absente chez les individus dont les familles travaillent le secteur privé.