Cartographier et modéliser les aléas liés à la dégradation de la cryosphère dans les Alpes Françaises : Une approche multiscalaire combinant permafrost, lacs glaciaires et écroulements rocheux pour contribuer à l'identification de secteurs à risque
Auteur / Autrice : | Maëva Cathala |
Direction : | Ludovic Ravanel, Florence Magnin |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Géographie |
Date : | Soutenance le 16/05/2024 |
Etablissement(s) : | Chambéry |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale sciences, ingénierie, environnement (Chambéry ; 2021-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Environnements, dynamiques et territoires de la montagne (Le Bourget du Lac, Savoie) |
Jury : | Président / Présidente : Armelle Decaulne |
Examinateurs / Examinatrices : Christophe Lambiel | |
Rapporteur / Rapporteuse : Marta Chiarle, Denis Mercier |
Mots clés
Résumé
Dans les Alpes françaises, la dégradation de la cryosphère se traduit en partie par le recul généralisé des glaciers et la dégradation du permafrost. Le retrait glaciaire peut conduire à la formation de nouveaux lacs, tandis que la dégradation du permafrost peut déstabiliser les parois rocheuses qui les surplombent. Dans ce contexte, des écroulements ou avalanches rocheuses peuvent générer des aléas en cascade, se propageant jusqu'au fond des vallées. L'anticipation de ces évènements aux effets parfois dévastateurs, constitue un véritable enjeu pour les acteurs et les populations des milieux montagnards. Face à ces défis sociétaux, les objectifs de ce travail doctoral sont (i) d'identifier les secteurs à risque en termes d'écroulements et d'avalanches rocheuses et des aléas en cascade qu'ils peuvent entrainer, et (ii) d'approfondir la connaissance fondamentale sur les processus physiques qui prédisposent, déclenchent, et propagent les écroulements ou avalanches rocheuses en contexte de permafrost.Nous proposons une approche intégrée qui fait le lien entre des observations de terrain, des mesures in-situ, de la modélisation numérique et de la cartographie des écroulements et avalanches rocheuses en contexte de permafrost dans les Alpes françaises. Nous suivons une logique multi-scalaire spatio-temporelle, allant de l'échelle régionale (Alpes françaises), à l'échelle locale (versant) ; en considérant les conditions environnementales passées, actuelles, et futures (horizon de la fin du 21ème siècle).A l'échelle régionale, la cartographie des zones de départ montre que les secteurs instables pourraient s'étendre entre 34 km² (scénario considérant uniquement les parois les plus instables) et 284 km² (scénario le plus conservateur) dans les conditions actuelles de permafrost, tandis que les zones de propagation pourraient atteindre entre 472 km² à 586 km² selon le scénario de propagation choisi. Selon le scénario de propagation, entre 53 et 90 lacs pourraient être atteints par des potentiels écroulements rocheux. En considérant un réchauffement +4°C des parois d'ici la fin du 21ème siècle, les zones de départ s'étendraient sur 43,2 km², tandis que les zones de propagation pourraient atteindre entre 196 km² et 245 km² selon le scénario de propagation. Ainsi, dans les conditions futures de la cryosphère, 27 à 51 lacs pourraient se trouver dans la trajectoire d'un écroulement rocheux.A l'échelle du site, notre approche combine des méthodes à différentes échelles spatio-temporelles afin de mieux comprendre les processus thermiques et hydrologiques impliqués dans les mécanismes de déclenchement et de propagation d'écroulements rocheux et d'avalanches rocheuses. La rétro-analyses de deux cas d'étude situés dans le vallon d'Etache (Savoie) et à la crête des Grangettes (Hautes Alpes) a révélé un réchauffement du permafrost depuis les années 1990 qui s'est accentué depuis les années 2010 (e.g. jusqu'à + 0.06 °C/an à 30 m de profondeur au vallon d'Étache). Dans le cas du vallon d'Étache, la déstabilisation du versant peut être attribuée à une transition entre un permafrost froid vers un permafrost tempéré, et à des infiltrations d'eau qui ont pu entraîner une augmentation de la pression hydrostatique et/ou participer à l'érosion de la glace dans les fractures. Les investigations menées à la Crête des Grangettes ont quant à elles montré un réchauffement du permafrost vers le point de fusion qui a pu entrainer une rupture des joints de glace. Ces études soulignent enfin la difficulté d'évaluer le rôle de la neige et de l'eau dans les mécanismes qui prédisposent, déclenchent et propagent mouvements de versants.Les résultats obtenus ont pour but de fournir, à terme, des informations précieuses pour la communauté scientifique et les acteurs du territoire, afin d'approfondir la compréhension des aléas liés à la dégradation de la cryosphère et de contribuer à mettre en œuvre des solutions concrètes pour aider les populations à y faire face.