Thèse soutenue

Du droit des victimes aux réparations ethniques. Citoyennetés autochtones et afrocolombiennes au croisement de la justice transitionnelle et du multiculturalisme

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Auteur / Autrice : Mélanie Denef
Direction : Michel CahenElisabeth Cunin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Science politique
Date : Soutenance le 20/06/2024
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, politique, santé publique (Talence, Gironde ; 2011-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Les Afriques dans le monde (Pessac, Gironde ; 2011-....)
Jury : Président / Présidente : Lissell Quiroz
Examinateurs / Examinatrices : Mathias Delori
Rapporteur / Rapporteuse : Sandrine Lefranc, Ángela Santamaría

Mots clés

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Résumé

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Depuis la signature des Accords de paix entre la guérilla des FARC-EP et le gouvernement de Juan Manuel Santos en 2016, l’État colombien s’est engagé dans une nouvelle tentative de résolution du conflit armé qui prend en compte les spécificités des groupes ethniques historiquement mis en minorité, acteurs ou victimes de violences commises dans le cadre du conflit. Le « chapitre ethnique » intégré aux récents Accords de paix reflète plusieurs décennies de mobilisation sociale qui ont vu se croiser mouvements des victimes, mouvements autochtones et mouvements afrocolombiens dans la revendication de droits humains et pour leur décentrement depuis les territoires marginalisés. Il s’inscrit également dans la continuité des politiques de construction de la paix en plein conflit armé et de gestion de la diversité ethnique en contexte postcolonial, adoptées depuis la fin du XXème siècle en Colombie. En amont de ces Accords de paix, les décrets-lois 4633 et 4635 de 2011 encadraient déjà le droit des victimes à la justice, à la vérité, aux réparations et à la non-répétition des violences selon une « approche différentielle ethnique » destinée aux peuples et territoires autochtones, noirs, afrocolombiens, raizales et palenqueros. Au carrefour entre deux modèles de gouvernance conceptualisés comme justice transitionnelle et multiculturalisme, les politiques de réparation collective aux victimes ethniquement différenciées du conflit armé interrogent les catégories citoyennes d’appartenance sur plusieurs plans. Comment la reconnaissance de communautés ethniques comme sujets collectifs de droit se traduit-elle dans la formulation et l’application de réparations collectives aux communautés et territoires périphériques historiquement construits comme ethniques ? En quoi le contexte de transition vers la paix via la réparation aux victimes du conflit nous amène à repenser la relation des peuples autochtones et afrocolombiens à l’État ? Dans quelle mesure la restauration de leurs droits violés dans le cadre du conflit armé participe-t-elle d’une redéfinition des citoyennetés différentielles ethniques et victimaires ? Pour répondre à ces questions, cette thèse adopte une approche socio-anthropologique de terrain afin de comparer deux processus de réparation menés au sein de deux communautés ethniques reconnues comme victimes collectives du conflit armé par la loi des victimes et restitution des terres de 2011 : un groupe de déplacés constitué en resguardo nasa dans les Andes du Cauca et un conseil communautaire rassemblant onze communautés noires du Pacifique caucano. En croisant un travail d’archives permettant de retracer la mobilisation des organisations ethniques dans la construction des politiques de sortie de conflit les prenant en compte avec une enquête de terrain menée de 2017 à 2020 au sein de trois institutions transitionnelles créées par la loi des victimes et auprès des deux sujets collectifs de droit à la réparation, cette étude aspire à mieux comprendre les rapports interethniques de pouvoir en jeu dans la formulation et l’application de politiques de réparation aux victimes membres de communautés ethniques. L’analyse comparée de politiques publiques transitionnelles adressées aux territoires et communautés historiquement ethnicisées permet de saisir les logiques d’intégration et d’autonomisation des autorités ethniques par de nouvelles institutions transitionnelles garantes du déploiement de l’État dans ses périphéries et de l’approche différentielle ethnique propice à questionner l’exercice du pouvoir.