Thèse soutenue

Labels patrimoniaux et illusion Pornic : cité balnéaire en Loire-Atlantique

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Auteur / Autrice : Jean-Pierre Delhommel
Direction : Philippe BachimonPierre Dérioz
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Geographie
Date : Soutenance le 05/02/2024
Etablissement(s) : Avignon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale 537 « Culture et patrimoine » (Avignon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : ESPACE-DEV (Montpellier)
Jury : Président / Présidente : Sylvie Clarimont
Examinateurs / Examinatrices : Emeline Hatt, Anne Rollet
Rapporteurs / Rapporteuses : Vincent Vlès, Sylvie Christofle

Résumé

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Les élus locaux sont en recherche pour leurs villes des distinctions obtenues par les processus de labellisation (Epstein, 2013). Ces derniers sont fréquemment présentés comme une forme positive de valorisation des ressources locales, engagés dans un objectif de développement territorial. La labellisation est néanmoins soumise à des conditions strictes et sélectives. Elle s’inscrit de fait dans une logique de mise en concurrence des territoires qui relève souvent d’une démarche de conduite de projet mobilisant une ingénierie publique locale (Lascoumes et Le Galès, 2004). La labellisation joue ainsi un rôle moteur dans l’action territoriale. Elle accompagne et enrichit la patrimonialisation aussi bien dans son volet « conservation » (préservation de l’intégrité des objets patrimoniaux) que dans son volet « valorisation » (mobilisation du patrimoine à des fins de développement) (Benos et Milian, 2013). Si la patrimonialisation est créatrice de lien social, elle peut également, tout au contraire, être un vecteur de ségrégation (Madoré 2004), en particulier dans les territoires convoités du littoral identifiés comme fortement attractifs pour la résidentialisation et propices à la migration d’agrément (Vye, 2011, Blondy et alii, 2016). C’est dans ce contexte que la construction d’un grand récit patrimonial « légitimise » une politique de sélection, voire d’expulsion. L’obtention de nombreux labels patrimoniaux présentée comme un succès détourne l’attention d’un processus de ségrégation sociale silencieux et discret. Elle contribue à faire taire d’éventuelles voix discordantes et à gommer les perceptions négatives. Lors de négociations entre élus communaux et services de l’État, les labels patrimoniaux peuvent justifier des demandes de dérogation à la loi SRU sur le non respect du taux requis de logements sociaux. La problématique mobilisée dans la thèse est donc celle des effets sociaux de la labellisation patrimoniale. Puisant à la fois dans le courant de la géographie critique (Harvey, 2018) ; (Gintrac, 2012) et dans celui de la géographie sociale (Séchet et Veschambre, 2004), nous faisons l’hypothèse que les labels sont révélateurs de la dimension spatiale des inégalités et que les processus de labellisation sont des vecteurs d’exclusion spatiale et sociale (Harvey, 2011). La méthodologie de cette recherche repose sur une démarche d’observation participante et de collecte de données par entretiens, complétée par l’analyse d’un corpus de presse (quotidien régional et bulletin municipal) et de documents opérationnels. Le terrain d’étude choisi est celui de la station balnéaire de Pornic, Station Classée de Tourisme en 2014 située à proximité de Nantes sur la côte atlantique. Ce cas d’étude est révélateur de la tension entre labellisation patrimoniale et ségrégation sociale. La gentrification, comprise comme le résultat sur un espace de rapports de force entre des groupes sociaux inégalement dotés (Clerval et Van Criekingen 2023), s’y décline en une gentrification touristique (Gotham 2018), puisque ce concept s’est vidé de son sens premier, celui d’une violence à l’œuvre. Aboutissement d’un lent travail de patrimonialisation, la ville-musée exclut et n’a plus que l’apparence de la convivialité (Illich 1984).