Thèse soutenue

Le rôle de la méthylation de l'ADN dans la spécification et le maintien de l'identité et la fonction des centromères

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Auteur / Autrice : Catalina Salinas Luypaert
Direction : Daniele Fachinetti
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie cellulaire et développement
Date : Soutenance le 06/10/2023
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Complexité du vivant (Paris ; 2009-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Mécanismes moléculaires du développement de la glande mammaire
établissement opérateur d'inscription : Institut Curie (Paris ; 1978-....)
Jury : Président / Présidente : Geneviève Almouzni
Examinateurs / Examinatrices : Daniele Fachinetti, William C. Earnshaw, Sylvia Erhardt, Ines Anna Drinnenberg, Pierre-Antoine Defossez
Rapporteur / Rapporteuse : William C. Earnshaw, Sylvia Erhardt

Résumé

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Le maintien de l'intégrité du génome et la transmission correcte de l'information génétique à chaque division cellulaire sont des étapes clés pour la survie de tous les organismes vivants. Chez les mammifères, la méthylation de l'ADN (ADNme) et le maintien de la fidélité de la ségrégation des chromosomes sont des déterminants majeurs de la stabilité du génome. L’ADNme est une marque épigénétique essentielle qui joue un rôle central dans la régulation du génome. En plus d’inhiber les transpositions et la recombinaison, c’est le principal mécanisme de répression de l'expression des éléments répétés. La ségrégation des chromosomes est médiée par le centromère, un domaine chromosomique spécialisé où le kinétochore s'assemble pour attacher les chromosomes au fuseau mitotique. Le bon fonctionnement des centromères est essentiel à la préservation du caryotype dans toutes les cellules en division. Les centromères sont entourés par des domaines péricentriques présentant des caractéristiques de l'hétérochromatine et sont assemblés sur de l'ADN satellite auquel se lie la protéine centromérique B (CENP-B). L'ADN centromérique et péricentromérique est fortement méthylé, à l'exception notable des domaines enrichis en CENP-A, la variante de l'histone H3 qui définit épigénétiquement la position des centromères et dont la régulation est déterminante pour leur fonction.Des altérations pathologiques des patrons de méthylation de l'ADN et de la fonction du centromère ont été associées à l'instabilité chromosomique dans le cancer et dans le syndrome ICF (Immunodéficience, instabilité Centromérique et dysmorphie Faciale), une maladie génétique rare. Le lien fonctionnel entre l'hypométhylation de l'ADN centromérique et le dysfonctionnement du centromère reste cependant à être établi. Notre hypothèse est que l'ADNme est un déterminant majeur de l'identité du centromère, et que l'hypométhylation des centromères conduit à un assemblage défectueux du réseau protéique centromérique, ce qui impacte leur fonction.En utilisant des outils cellulaires pour l’invalidation génique des ADN méthyltransférases DNMT1 et DNMT3B, j’ai démontré les mécanismes de régulation de l'ADNme au niveau des centromères humains et l'impact de la réduction de l'ADNme sur la physiologie des centromères. Pour aborder directement le lien entre l'ADNme et la fonction du centromère, j'ai généré des outils cellulaires pour induire une déméthylation ciblée de l'ADN centromérique. Le niveau d'ADNme centromérique peut être réduit jusqu'à 85% sans affecter la méthylation des péricentromères. Cette diminution de l'ADNme centromérique entraîne une instabilité du génome, avec formation de micronoyaux à l’issue d’une ségrégation incorrecte des chromosomes, et une létalité cellulaire. CENP-A et CENP-B, deux des protéines centrales de la chromatine centromérique, augmentent au niveau des centromères hypométhylés, ce qui explique en partie l'instabilité génomique observée dans ces cellules. La déméthylation de l'ADN centromérique n'est pas réversible et provoque à long terme un processus d'adaptation cellulaire. Certaines cellules parviennent à continuer à proliférer avec des niveaux d'ADNme centromérique plus faibles et des niveaux de CENP-A et de CENP-B stablement plus élevés au niveau des centromères. Enfin, j’ai identifié que l’ADNme peut servir de frontière pour délimiter la formation épigénétique des centromères médiée par CENP-A en préservant la position du centromère et en empêchant l'élargissement du domaine occupé par CENP-A. Dans l'ensemble, j'ai démontré qu'il existe un lien direct entre l’ADNme centromérique et l'identité et la fonction du centromère, tout en fournissant les premières preuves d'une relation fonctionnelle entre ces deux facteurs déterminants pour la stabilité du génome. Ce travail établit les bases de notre compréhension de la façon dont la perte d'ADNme centromérique peut être à l'origine de l'instabilité du génome observée dans le cancer et le syndrome ICF.