Avancement de la théorisation de la pensée rapide et lente : exploration du rôle de l'intuition à travers différents domaines
Auteur / Autrice : | Aikaterini Voudouri |
Direction : | Wim De Neys, Michał Białek |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Psychologie |
Date : | Soutenance le 28/11/2023 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Cognition, comportements, conduites humaines (Paris ; 1996-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant (1983-... ; Paris) |
Jury : | Président / Présidente : Maria Augustinova |
Examinateurs / Examinatrices : Tamara Van Gog, Eva Van den Bussche | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Maria Augustinova, Jérôme Prado |
Résumé
Les modèles de double processus suggèrent qu'un raisonnement sain nécessite la correction des processus de pensée rapides et intuitifs par une délibération plus lente et contrôlée. Toutefois, de récentes découvertes dans le domaine du raisonnement logique ont commencé à remettre en question cette caractérisation. Ces études, qui utilisent des tâches classiques d'heuristiques et de biais, ont montré que la réponse logique traditionnellement supposée découler d'une délibération est souvent déclenchée par un simple traitement intuitif. En outre, même lorsque les gens fournissent des réponses biaisées, ils font souvent déjà preuve d'une sensibilité intuitive des principes logiques du problème. La présente thèse vise à étendre la généralisation de ces résultats au-delà du domaine du raisonnement logique, et à d'autres domaines où la réponse correcte est également traditionnellement considérée comme étant déclenchée après délibération. Couvrant un large éventail de domaines (de la prise de décision en situation de risque, aux tâches de haut niveau et de bas niveau), cette thèse a cherché à déterminer si la présumée réponse délibérée pouvait également être fournie de manière intuitive, et si les individus possédaient une sensibilité intuitive à leurs erreurs. Pour identifier la réponse intuitive qui précède la réponse donnée après délibération, le paradigme à deux réponses a été utilisé. Dans ce paradigme, à chaque essai, les participants donnent deux réponses consécutives au même problème: une première réponse intuitive sous la pression du temps et de la charge cognitive, suivie d'une réponse finale, sans contrainte, où ils peuvent délibérer librement. Dans le Chapitre 1, j'ai examiné la prise de décision en situation de risque et j'ai constaté que lorsque les participants donnaient la réponse maximisant l'espérance mathématique après délibération, ils parvenaient souvent à la même réponse dès la phase initiale, intuitive. En outre, même lorsque les individus restent aversifs aux pertes, ils font souvent preuve d'une sensibilité intuitive à l'espérance, comme l'indique la diminution de la confiance. Dans le Chapitre 2, j'ai approfondi les tâches sémantiques de haut niveau, démontrant que si éviter les illusions sémantiques nécessite souvent une délibération, la réponse intuitive peut également conduire à des réponses correctes. Les participants ont également toujours montré une sensibilité à l'erreur, même dans la phase initiale, lorsque la délibération était réduite. Dans le Chapitre 3, je me suis concentrée sur des tâches de contrôle cognitif de bas niveau, telles que les tâches de Stroop et Flanker, et j'ai constaté que la majorité des réponses correctes étaient déjà fournies pendant la phase initiale, lorsque le contrôle délibéré était limité. Dans ce chapitre, j'ai également étudié l'association entre la tâche de Stroop et les performances de raisonnement. Dans le Chapitre 4, j'ai étudié la stabilité des biais dans les tâches d'heuristiques et de biais. Les résultats indiquent que les réponses intuitives et délibérées restent en grande partie stables, mais pas entièrement, après deux semaines. La détection des conflits s'est révélée être un facteur prédictif du changement de réponse ; plus les participants se sentaient en conflit avec leurs réponses, plus ils étaient susceptibles de modifier leurs réponses au fil du temps. A travers l'ensemble de ces chapitres, il est apparu évident que les réponses que l'on croyait avoir besoin de délibération provenaient souvent d'un traitement intuitif, et que les individus montraient une sensibilité intuitive à leurs erreurs. Ces résultats démontrent l'applicabilité d'un cadre récent et révisé du double processus dans différents domaines et dimensions temporelles.Cette thèse suggère donc que la pensée humaine peut être mieux caractérisée comme une interaction entre différents types d'intuitions ''rapides'', plutôt que comme une stricte dichotomie entre la pensée ''rapide'' et la pensée ''lente''.