Liens surveillés : Nagasaki, ville carrefour, et la circulation de cosmologies hybrides dans le Japon pré-moderne (1630-1720)
Auteur / Autrice : | Daniel Said Monteiro |
Direction : | Annick Horiuchi, Catherine Jami |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Asie orientale et sciences humaines |
Date : | Soutenance le 23/09/2023 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Langue, littérature, image, civilisations et sciences humaines (domaines francophone et anglophone) (Paris ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de recherche sur les civilisations de l'Asie orientale (Paris ; 2006-....) |
Jury : | Président / Présidente : Matthias Hayek |
Examinateurs / Examinatrices : Frederik Cryns, 隆二 平岡 | |
Rapporteur / Rapporteuse : Matthias Hayek, François Lachaud |
Mots clés
Résumé
L'objectif principal de cette thèse est d'éclaircir le développement de formes de pensée cosmologique hybrides dans le Japon du début de l'ère moderne en soulignant les entrecroisements épistémologiques qui ont eu lieu dans la zone de contact de Nagasaki, en particulier entre 1630 et 1720. Nous n'appuyons sur la notion de « cosmologies hybrides » qui circulaient à Nagasaki en tant que carrefour de biens et savoirs. Nous abordons cette ville portuaire comme une zone de contact dans laquelle des systèmes épistémiques divers s'entrecroisaient. Nagasaki peut être considérée comme une zone de contact extra-coloniale, dans laquelle les processus d'hybridation épistémique ont été façonnés non pas tant par des agents impériaux étrangers que par le pouvoir centralisé du shogunat Tokugawa qui administrait directement la ville. Des savoirs astronomiques, géographiques, cartographiques et médicales, remontant à des sources chinoises et européennes, étaient au cœur de ce qui distinguait les cosmologies hybrides de Nagasaki. Les connaissances produites dans la ville ont suscité l'intérêt des plus hauts cercles politiques, ce qui a conduit le huitième shogun Tokugawa Yoshimune (1684-1751, r. 1716-1745) à consulter deux savants locaux sur des questions cosmologiques. Ils étaient l'interprète chinois Ro Sôsetsu (1675-1729) et de l'auteur Nishikawa Joken (1648-1724), deux personnages clés pour comprendre l'importance de Nagasaki à cette époque. De l'analyse des réseaux de lettrés locaux à l'examen de la forme, du style et du contenu des livres imprimés et des manuscrits, cette étude démontre que la zone de contact de Nagasaki a servi de plaque tournante pour la circulation de nouvelles informations qui ont de plus en plus attiré l'attention du régime des Tokugawa. Des mesures de répression antichrétienne de la part du shogunat, associées à des restrictions commerciales croissantes, ont été déterminantes dans la transformation de Nagasaki en une porte d'entrée sous contrôle stricte qui filtrait des biens et de savoirs arrivant du monde entier. Ces politiques ont permis aux savants locaux d'adopter des points de vue éclectiques tout en maintenant un discours conforme à l'orthodoxie confucéenne. Dans le premier chapitre, nous présentons la position de Nagasaki dans le Japon des Tokugawa en tant que porte d'entrée vers l'Eurasie et au-delà, à la fois ouverte à l'afflux d'un grand nombre de marchands et fortement réglementée par les autorités locales et centrales. Nous analysons des textes sinitiques associés à des savoirs d'origine jésuite qui ont été interdits sous les Tokugawa et nous donnons un aperçu des ouvrages cosmologiques qui ont circulé au Japon par la suite. Le deuxième chapitre reprend la notion de censure et montre ses dimensions productives pour l'articulation d'une tradition locale enchevêtrée dans des formes de savoirs transrégionales et transnationales. Dans le troisième chapitre, nous nous tournons vers les activités de Nishikawa Joken, tout en nous appuyant sur trois sources primaires associées Ro Sôsetsu. Nous remettons en question l'interprétation selon laquelle Joken représentait un des premiers partisans de la rationalité scientifique et de l'empirisme « à l'occidentale » dans le Japon prémoderne. Dans le quatrième et dernier chapitre, nous nous penchons sur les cosmologies hybrides de Nagasaki plus en détail, telles qu'elles sont représentées dans les écrits de Nishikawa Joken. Nous concluons cette étude en abordant de front les notions clés des cosmologies composites incarnées par Joken, et la manière dont elles sont liées à l'amalgame des savoirs jésuites et de la culture lettrée chinoise à la fin des Ming. Nous démontrons les stratégies de Joken pour dissimuler la nature hybride de ses idées cosmologiques en masquant des éléments d'origine catholique derrière un discours qui soutient pleinement l'orthodoxie confucéenne.