Klaus Mann (1906-1949), une vie dans un siècle : biographie et politique

Klaus Mann (1906-1949), a life in a century : biography and politics

• Auteur / Autrice : Gilles Collard
• Direction : Catherine Coquio
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Histoire et sémiologie du texte et de l'image. Littérature comparée
• Date : Soutenance le 05/12/2023
• Etablissement(s) : Université Paris Cité
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Langue, littérature, image, civilisations et sciences humaines (domaines francophone et anglophone) (Paris ; 1992-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'étude et de recherche interdisciplinaire de l'UFR LAC (Paris ; 2009-....)
• Jury : Président / Présidente : Hélène Camarade
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Donatien Grau, Alexis Mital
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Lionel Ruffel, Wolfgang Asholt

Mots clés

Mots clés contrôlés

Critique et interprétation

Mann, Klaus (1906-1949)

1900-1945

Philologie germanique

Politique et gouvernement -- Allemagne -- 1933-1945

Politique et gouvernement -- Allemagne -- 1918-1933

Présentation de soi

Mots clés libres

Forme de vie

Autobiographie

Nazisme

Walter Benjamin

Hannah Arendt

Stefan Zweig

Politique

Biographie

Allemagne

Form of life

Autobiography

Nazism

Walter Benjamin

Hannah Arendt

Stefan Zweig

Politics

Biography

Germany

Résumé

Klaus Man (1906-1949), fils de Thomas Mann et enfant d'une révolution avortée, incarne par son mode de vie et le style de ses livres l'intensité des années 20 en Allemagne. Il prend très rapidement le chemin de l'exil pour mener le combat antinazi. Durant les années 30, il publie de nombreux livres dont deux sont restés parmi les oeuvres majeures de l'émigration : Mephisto et Le Volcan. Sa vie, son oeuvre ne peuvent être dissociées comme en témoignent également les trois autobiographies qu'il a écrites ainsi que les revues qu'il a créées. En tissant des dialogues avec Stefan Zweig, Walter Benjamin, Gottfried Benn ou encore Hannah Arendt, la question fondamentale qui nous a guidé tout au long de l'écriture de ce travail est celle-ci : quel lien est-il possible d'établir entre la vie et l'oeuvre, insécables, et l'assurance du jugement de Klaus Mann dans les affaires esthétiques et politiques, quand bien souvent celles-ci portaient en leur coeur, dans la première moitié du XXe siècle, des questions de vie et de mort ?

Dans une première partie, nous dressons le théâtre des généalogies avec comme fil conducteur deux personnages chers aux yeux de Klaus Mann : Kaspar Hauser et Peter Schlemihl. Klaus se perçoit à l'issue de la guerre comme l'incarnation d'une jeunesse débarrassée des autorités mortifères. L'idée de l'Europe se dégage comme espoir et utopie. Entouré d'amitiés téméraires, Klaus aménage son quartier des ombres. Trois positions le distinguent de son père et d'une part de la jeunesse. Il se prend de passion pour la France et ses écrivains. Ses romans et pièces de théâtre affichent sa sexualité polymorphe, amoureuse des audaces. Klaus a bénéficié des avancées des pédagogies de la Lebensreform. Enfin, Klaus s'est rendu compte très jeune du mensonge dont les adultes entourent la mort. Cette prise de conscience lui a tôt donné le goût pour les expériences limites que la drogue canalisera. Notre seconde partie s'ouvre la lecture de Klaus d'un texte de Stefan Zweig largement compréhensif à l'égard de l'attitude d'une part de la jeunesse qui vient de voter massivement en faveur du NSDAP. Klaus Mann condamne son aîné, renie sa génération, et refuse la psychologie qui permet de tout comprendre. C'est peu après que Klaus Mann se jette dans l'écriiture de Je suis de mon temps. Se rendant sensible aux périls auxquels s'expose la République de Weimar, il se tend un miroir et éclaire les ombres de l'époque qui l'a enfanté. Son exil est la conséquence de ce geste de rassemblement de soi. Le débat qu'il engage avec Gottfried Benn en est l'explication théorique. Admiratif du poète expressionniste, Klaus Mann ne peut tolérer ses déclarations de ralliement, en raison de trois éléments: une croyance en le « grand temps », une absolutisation de l'art, une théorie du moi. Son geste autobiographique lui a fourni le contrepoison. Il refuse les artefacts (art, eschatologie politique, assignation héritée) et la Double vie dont Gottfried Benn se targuera. Die Sammlung est une revue créée dès septembre 1933. Klaus ouvre un espace où coexistent différentes voix qui savent la nécessité d'une contre-communauté. Tout au long de cette partie, nous aurons tissé des dialogues avec ses contemporains : Brecht, Benjamin, Arendt... Durant les années trente, les espaces arpentés par Klaus se mettent à vaciller. La France se transforme en terre hostile, son attirance pour la mort cède le pas à des pensées suicidaires. Son usage des drogues est problématique. Son homosexualité n'est plus si heureuse et elle doit être justifiée dans certains milieux progressistes. Deux logiques apparaissent. Une ligne claire, surtout exprimée à l'occasion du débat avec Zweig. Elle s'attache à des valeurs morales universelles, qu'il oppose à la barbarie. Une autre logique fait entrer en scène le rôle des ombres. Ce sont les aspects irrationnels de l'existence, l'attrait pour la mort dans le vivant. Entre un usage des plaisirs et une exigence militante, une vie intime et un engagement publique, la continuité biographique et l'exigence politique, la zôé et le bios se dessine un style de vie, une vie non fasciste, entendue comme maintien de la tension entre ces termes. Pour accompagner notre réflexion, nous aurons fait appel à deux philosophes: Reiner Schürmann et Giorgio Agamben. C'est quand Klaus Mann perd les équilibres des jeux d'ombres et de lumière au coeur de sa marche dans le monde qu'il se trouve englouti dans une torpeur qui le paralyse. À New York où, découragé de la situation mondiale et par son impuissance, il pose à nouveau un regard rétrospectif sur son existence en écrivant The Turning point. Il n'y aura que l'engagement du corps au sein de l'armée américaine pour le sortir une dernière fois des démons qui l'assaillent. Nous en aurons profité alors pour revenir sur les grands débats qu'il avait lancé et qui continuent d'agiter les milieux exilés, sur l'expressionnisme, notamment. Klaus lance bon nombre de questions qui interpellent les historiens jusqu'à aujourd'hui.