Thèse soutenue

Stimulation ultrasonore transcrânienne en psychiatrie : de l’étude de la sécurité et de la précision à la première évaluation clinique dans la dépression résistante au traitement

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Auteur / Autrice : David Attali
Direction : Jean-François Aubry
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Neurosciences
Date : Soutenance le 21/12/2023
Etablissement(s) : Université Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Cerveau, cognition, comportement (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut Langevin-Ondes et images (Paris ; 1997-....)
Jury : Président / Présidente : Julien de Rosny
Examinateurs / Examinatrices : Dominique Januel, Marion Plaze
Rapporteurs / Rapporteuses : Cécile Baron, Josselin Houenou

Résumé

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Les épisodes dépressifs caractérisés sont les troubles mentaux les plus fréquents dans le monde, avec une prévalence vie-entière de 20 %. Malgré des progrès récents dans le traitement pharmacologique de la dépression, les effets thérapeutiques des antidépresseurs ont un délai d'action de plusieurs semaines et environ un tiers des patients ne répondent pas suffisamment à ces médicaments. La dépression pharmacorésistante (TRD pour 'Treatment-Resistant Depression') est associée à un risque accru de chronicité, de morbidité et de suicide et représente un enjeu majeur de santé publique. La recherche de nouvelles thérapeutiques rapidement efficaces est primordiale. Le cortex cingulaire antérieur subgénual (sgACC) est décrit comme le centre des réseaux cérébraux impliqués dans les troubles de l'humeur. La neuromodulation de cette région cérébrale profonde pourrait être une stratégie de premier choix dans la prise en charge du TRD mais n'était jusqu'à présent possible qu'avec une implantation d'électrodes intracérébrales associée à un risque neurochirurgical important et donc limitée à un faible nombre de patients. La stimulation transcrânienne par ultrasons (TUS) représente une avancée technologique de premier plan dans le domaine de la médecine et des neurosciences. Cette technique permet pour la première fois de stimuler de façon ciblée, précise et non-invasive les structures cérébrales profondes, telles que le sgACC. Ce manuscrit aborde dans un premier temps les deux défis qui ont dû être relevés avant de pouvoir envisager l'utilisation de la TUS en psychiatrie : le défi de garantir l'innocuité de cette technique et celui de sa précision. En effet, la délivrance d'ultrasons focalisés s'accompagne de potentiels risques mécaniques et thermiques. La TUS étant par ailleurs une technique récente, il n'existe à ce jour aucune norme ou recommandation la concernant. Pour estimer ces risques, nous présentons un modèle analytique estimant la transmission acoustique maximale à travers le crâne, ainsi qu'une méthode numérique, validée expérimentalement, d'estimation des élévations de température induites par les ultrasons. Les risques mécaniques et thermiques de 27 études publiées utilisant la TUS chez l'humain sont ensuite analysés à l'aide de cette méthode. Les résultats de cette analyse rétrospective éclairent sur la multitude de paramètres à prendre en compte lors de l'évaluation de ces risques. Concernant le second défi, nous analysons rétrospectivement la précision de 10 études publiées de TUS ayant ciblé des régions cérébrales profondes chez l'humain, et estimons que seuls 51% des ciblages ont été effectifs, c'est-à-dire accompagnés de la délivrance sur la cible d'une intensité acoustique significative. Nous démontrons également qu'avec l'utilisation de lentilles acoustiques - une technologie disruptive de correction des aberrations induites par le crâne, développée par le laboratoire - ces ciblages auraient systématiquement été effectifs. Nous présentons enfin les résultats préliminaires d'une étude pilote sur le TRD. Notre dispositif de TUS est conforme à des indices de sécurité mécanique et thermique stricts et prudents recommandés pour l'échographie. Des lentilles acoustiques personnalisées ont permis un ciblage précis des faisceaux de matière blanche du sgACC impliqués dans le TRD. Les premières données de faisabilité, de sécurité d'emploi et d'efficacité d'un protocole intensif de 5 jours de TUS chez 5 patients souffrant d'un TRD sévère sont encourageantes, avec l'absence de tout évènement indésirable grave et des scores de sévérité de la dépression diminuant progressivement au fil des jours de traitement. En cas de confirmation d'effets thérapeutiques rapides et marqués, et du profil d'innocuité de la technique, la stimulation transcrânienne par ultrasons pourrait voir ses indications en psychiatrie, addictologie et neurologie se multiplier ces prochaines années, au bénéfice des patients.