L'inconscient messianique de la croyance politique et religieuse : approche psychanalytique de la croyance et du désir en politique
Auteur / Autrice : | Kim Marteau |
Direction : | Paul-Laurent Assoun |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Recherches en psychanalyse et psychopathologie |
Date : | Soutenance le 27/05/2023 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Recherches en psychanalyse et psychopathologie (Paris ; 2001-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de recherches Psychanalyse, Médecine et Société (Paris ; 2001-....) |
Jury : | Président / Présidente : Nicolas Guérin |
Examinateurs / Examinatrices : Nicolas Guérin, Alain Abelhauser, Pascale Macary, Claire Gillie-Guilbert | |
Rapporteur / Rapporteuse : Alain Abelhauser, Pascale Macary |
Mots clés
Résumé
A l'heure où s'accuse une monumentale errance du côté de la croyance, ce travail propose de remettre à jour une composante centrale mais aujourd'hui méprisée de nos sociétés monothéistes : le messianisme. Refusant de réduire le messianisme à un délire eschatologique, nous tentons de démontrer en quoi il est précisément le point d'articulation du religieux et du politique ; du sujet et du collectif ; mais aussi du désir et de la croyance. Car le messianisme nous montre comment la croyance, soutenue par un besoin de croire, est « increvable ». Certes, ses objets périssent, mais le besoin de croire, lui, ne meurt jamais. Notre dessein est donc d'étudier l'insu de la croyance qu'importe l'habit discursif et imaginaire de celle-ci. Cet insu, nous lui donnons les traits de l'éternel absent, mais inoubliable Messie. Indétectable sur la scène de la conscience, mais hyperactif dans l'inconscient, le Messie est celui qui donne la voie, qui guide et oriente les collectifs et le sujet. Il démontre en quoi croyances politiques et religieuses répondent de la même logique, la logique désirante. Cette recherche débute par l'étude de l'évolution historique du messianisme au sein de l'histoire juive. Pourquoi en appeler au judaïsme ? Car le messianisme juif renferme une importance politique et éthique centrale outrepassant le fait religieux et la croyance religieuse même. Dans la tradition juive, l'avènement messianique est un événement avant tout politique. Le Messie est celui qui libère les peuples de ses oppresseurs afin de restaurer la Justice et la Loi. Il n'est plus question d'eschatologie mais de véritable révolution (voire même de restauration) politique. La psychanalyse permet ici d'aborder l'au-delà de la version apocalyptique du messianisme. Elle réaffirme que la fonction première du messianisme est de soutenir le désir. Eternel absent de l'histoire mais héros de nos fantasmes, le Messie est cet objet inatteignable poussant au désir et à la création. Donnant vie à la promesse et érotisant l'attente, il est celui qui vient potentialiser l'acte politique au présent. Seulement, face aux rêveurs pragmatiques, se dressent des sujets pressés qui n'ont plus aucun temps à perdre. Soutien du désir, le Messie est alors celui qui le sacrifie lorsqu'il se révèle enfin. Cette tentation folle qui l'accompagne est la raison pour laquelle sa demeure ne peut être que celle de l'instant. L'enjeu de ce travail est donc de comprendre comment s'articulent le désir messianique, soutien de l'agir politique, et le délire messianique, situé derrière les instants fous de l'histoire. Pour répondre à cette question, cette recherche explore les applications historiques concrètes du messianisme. Elle propose conséquemment de faire de l'instant révolutionnaire l'expression paradigmatique de l'instant messianique, tant dans sa face glorieuse que son envers terrible. Cela nous amène à soutenir que le messianisme est « une force mobilisante » agissant au cœur de l'histoire et du sujet. Si la primauté est ici accordée au messianisme juif, le fantasme messianique est certainement le fantasme le mieux partagé de l'humanité. Et nul besoin de monothéisme. Pourquoi ? Peut-être parce que derrière le désir messianique, nous avons à entendre le désir de Faire Un. Faire Un qui amène inévitablement à nous interroger sur la place de la haine dans cette affaire. La haine vise ce qui échappe à la possibilité de la fusion et du rapport. Elle vise cet Autre forçant la reconnaissance de l'altérité. Plus qu'une simple haine de la castration et du Père, il s'agit de la haine de cette altérité radicale qui ne se soumet à aucune loi. Pourtant, ce travail dévoile que derrière tout cela, la révélation messianique, la véritable révélation, signe le moment précis de la rencontre avec l'autre. Car le Messie, être supplémentaire par excellence, est le rappel de l'altérité et non la fin.