Thèse soutenue

Société cachée et liberté efficace, le libéralisme étrange de Tocqueville

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Tong Fu
Direction : Didier Mineur
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie politique
Date : Soutenance le 19/06/2023
Etablissement(s) : Université Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences des sociétés (Paris ; 2019-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche en Philosophie, Sociologie et Politique (Paris ; 2019-....)
Jury : Président / Présidente : Charles Ramond
Examinateurs / Examinatrices : Charles Ramond, Vincent Valentin, Laurence Guellec, Agnès Antoine, Hélène L'Heuillet
Rapporteur / Rapporteuse : Charles Ramond, Vincent Valentin

Résumé

FR  |  
EN

En révélant les liens souterrains entre Tocqueville d'une part, Rousseau et Pascal, d'autre part, cette thèse vise à donner une nouvelle interprétation de La démocratie en Amérique et de L'Ancien Régime et la Révolution. Rousseau et Tocqueville partagent un même thème : le rapport entre l'homme et sa société. D'un côté, Rousseau déclare que l'homme est né comme un tout parfait et solitaire, de l'autre, il estime que s'il existait une société qui fonctionne bien, elle devrait aussi être un tout indépendant. Il rencontre donc un problème : comment transformer l'homme en une partie d'un plus grand tout dont il recevra sa vie et son être ? Afin de résoudre cette question, dans Du contrat social, il propose trois plans, dont le troisième est le plus étrange. Selon ce dernier plan, le Souverain doit forcer ses sujets à croire qu'ils sont nés avec des sentiments de la sociabilité. En d'autres termes, Rousseau veut que « tous » forcent « chacun » à croire qu'il aime ses devoirs. Tocqueville prend au sérieux ce dernier plan proposé par Rousseau, parce que, lors de son voyage en Amérique, il a constaté que ce plan étrange avait été mis en pratique par les habitants du Nouveau Monde. Rousseau appelait cette contrainte imposée à chacun par tous la Religion civile. Dans le tome I de La démocratie en Amérique, Tocqueville indique que cette religion est, en réalité, un culte de l'opinion publique. Grâce à ce culte, non seulement le peuple américain est devenu le véritable Souverain, mais la société américaine s'est également transformée en un tout indépendant. Mais aux yeux de Tocqueville, il n'a pas réussi à accomplir la tâche ultime que Rousseau lui avait assignée, à savoir, réaliser la transformation de l'homme. En fait, il a transformé tous les Américains en individus hypocrites. Tocqueville trouve que l'esprit de l'homme peut entrer en conflit avec ses sentiments. C'est pourquoi, son influence de Pascal devient de plus en plus évidente. Dans le second tome de La démocratie en Amérique, inspiré par la vision de l'homme de Pascal, Tocqueville a non seulement inversé l'histoire de l'humanité présentée par Rousseau, mais également remis en question l'idée-mère de ce génie du XVIIIe siècle. Il explique qu'en se croyant né libre, l'homme démocratique a trahi sa société, et est ainsi devenu un homme disproportionné : il remplit son esprit de connaissances sur sa société, mais il ne peut plus sentir sa présence. D'après Tocqueville, le conflit entre l'esprit et les sentiments des hommes démocratiques les conduira inévitablement à embrasser un nouveau type de despotisme. Et dans L'Ancien Régime et la Révolution, il propose une liberté inouïe comme seul remède contre cette division interne. La liberté dont il parle comporte les caractéristiques suivantes : elle est une fin en soi, un plaisir, et n'est partagée que par les élus de Dieu. Si personne n'a défini la liberté de cette manière, ces caractéristiques ont été utilisées par Pascal pour décrire la grâce divine dont les descendants corrompus d'Adam peuvent jouir. Ainsi, chez Tocqueville, il existe un libéralisme étrange inspiré par Pascal.