Négocier en contexte autoritaire : comment les parents chinois s'investissent dans les politiques d'éducation
Auteur / Autrice : | Manon Laurent |
Direction : | Gilles Guiheux, Kimberley Ens Manning |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 20/02/2023 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité en cotutelle avec Université Concordia (Montréal, Canada) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences des sociétés (Paris ; 2019-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques (Paris ; 2014-....) |
Jury : | Président / Présidente : Isabelle Thireau |
Examinateurs / Examinatrices : Isabelle Thireau, Julia C. Strauss, Lorenzo Barrault-Stella | |
Rapporteur / Rapporteuse : Isabelle Thireau, Julia C. Strauss |
Mots clés
Résumé
En octobre 2021, le gouvernement chinois promulgue la Loi sur la Promotion de l'Education Familiale. Ce texte législatif encadre la manière dont les parents peuvent et doivent éduquer leurs enfants à la maison pour qu'ils deviennent des citoyens performants sur le marché du travail et loyaux envers la nation. Cette nouvelle loi n'est que la dernière version d'un cadre normatif sur la parentalité formulé et diffusé par l'État depuis les premières années de la République populaire de Chine (RPC) et même du gouvernement républicain qui l'a précédé. Cette loi reflète les discours politiques qui façonnent l'organisation de la société chinoise actuellement : entre solidarité nationale et compétition internationale. Conjointement aux réglementations du marché de l'enseignement privé, la Loi sur la Promotion Familiale illustre comment la parentalité est au cœur du projet nationaliste chinois. Le parti-État cultive une métaphore de la nation comme une grande famille pour induire une relation filiale entre la population et la patrie, aussi appelé nationalisme filial par Vanessa Fong (2004). En utilisant une approche de l'Etat dans la société (Bray et Jeffreys 2016 ; Migdal 2001 ; Ferguson et Gupta 2002), je montre comment les parents de la classe moyenne urbaine négocient avec et résistent à la présence omniprésente de l'État dans l'éducation de leur unique enfant. Dans cette thèse, j'avance que le régime autoritaire chinois construit des espaces de liberté et de choix pour les parents afin de favoriser des formes de compétition entre les familles tout en régulant les pratiques parentales et le contenu de l'éducation. Par conséquent, les parents de la classe moyenne exercent leur citoyenneté et leur loyauté envers l'Etat en participation à la compétition scolaire et éducative. Cependant, je montre que les parents des classes moyennes urbaines possèdent également leur propre agentivité et ne sont ni des agents passifs au service de l'Etat ni des révolutionnaires pro-démocratie ; ils profitent plutôt du régime pour renforcer leur position sociale et sécuriser leurs privilèges. En étudiant les luttes éducatives entre les parents et l'Etat, je contribue à la littérature en science politique à deux titres. J'illustre les modes de relations Etat-société dans un régime autoritaire. Par ailleurs, je conceptualise les parents comme des acteurs politiques à part entière. Alors que nous observons une mobilisation importante des parents dans les mouvements récents sur le climat, les violences policières ou les questions de mœurs, ils n'ont jamais été définis par les chercheurs en science politique comme des acteurs politiques indépendamment de leur genre. La littérature sur le maternalisme a étudié les mouvements sociaux de mères, en s'appuyant principalement sur le ressort genré de la politisation. Dans cette recherche, je montre comment la parentalité, le fait d'élever un enfant, amène les individus de la classe moyenne chinoise à s'intéresser à la politique et parfois à se mobiliser. Je soutiens que ce processus de socialisation politique par la parentalité peut s'observer dans nos démocraties également.