Thèse soutenue

Enjeux psychiques de l'aplasie majeure d'oreille unilatérale et de sa chirurgie plastique de reconstruction par la technique de Nagata chez 12 enfants et adolescents. Approche clinique et projective.

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Auteur / Autrice : Flora Aubertin
Direction : Karinne Gueniche
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Psychologie
Date : Soutenance le 16/11/2023
Etablissement(s) : Université Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Cognition, comportements, conduites humaines (Paris ; 1996-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de psychologie clinique, psychopathologie, psychanalyse (Paris ; 2006--..)
Jury : Président / Présidente : Rose-Angélique Belot
Examinateurs / Examinatrices : Karinne Gueniche, Rose-Angélique Belot, Nathalie Dumet, Françoise Denoyelle, Christian Bonnet, Peter Szendy
Rapporteurs / Rapporteuses : Rose-Angélique Belot, Nathalie Dumet

Résumé

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L'aplasie majeure d'oreille unilatérale est une malformation congénitale visible, sa prévalence est de 1 pour 12000 naissances en France. Aucune étude psychologique et psychopathologique ne rend compte de l'expérience intime de cette maladie rare chez l'enfant ; pas davantage des enjeux et des répercussions psychiques de la chirurgie plastique de reconstruction. Notre recherche monocentrique, prospective et longitudinale a pour objectif d'évaluer l'évolution du fonctionnement psychique de 12 enfants âgés de 10 à 16 ans atteints d'une aplasie majeure d'oreille unilatérale et inscrits, entre 9 et 12 ans, dans le processus de reconstruction chirurgicale de l'auricule par la technique singulière de Nagata (en deux temps). Notre protocole de recherche est proposé en pré- et post-opératoire (à la fin de la reconstruction plastique) et comprend un entretien clinique semi-directif, deux épreuves projectives (Rorschach et TAT), un dessin du bonhomme, un auto-questionnaire de dépression (CDI) et un auto-questionnaire de qualité de vie (Kidscreen-27). Les résultats, analysés selon une approche clinique psychodynamique, présentent pour chaque enfant et chaque outil utilisé, une analyse individuelle pré et post-opératoire et pour l'ensemble de la cohorte une analyse transversale. Ils soulignent la superposition de la temporalité de l'étude et de la chirurgie (en deux temps) avec le passage de l'enfance à l'adolescence. Ils indiquent une fragilité dans la construction du narcissisme de l'enfant aplasique ; les moqueries subies dans l'enfance sont souvent le support d'un vécu persécutoire assorti d'une représentation de soi inquiétante qui génèrent une difficulté dans les liens avec les pairs. L'usage de conduites de camouflage, par la chevelure, est prégnante et souvent initiée par la mère. Après la chirurgie, les résultats révèlent des destins psychiques, toujours singuliers : un levier dynamique pour certains ; une entrave ou une précipitation vers une fragilisation nette pour d'autres. Pour autant, la stabilité des supports identificatoires, notamment féminins pour les filles, semble un facteur efficace, tout comme d'ailleurs l'engagement actif dans le projet opératoire (dans les deux sexes) associé à l'existence psychique bel et bien advenue de l'aplasie d'oreille. La technique chirurgicale de Nagata peut faire vaciller les jeunes dans leur désir ; le deuxième temps opératoire constitue un après-coup souvent traumatique du premier temps qui peut les laisser douloureux et sidérés. Les expériences psychiques post-opératoires renseignent sur la nature de la rencontre de ces jeunes avec leur nouvelle oreille. Parfois, l'inquiétante étrangeté confine à la sensitivité qui menace et déprime. Parfois encore, la nouvelle oreille permet une expérience de plaisir qui engage le jeune dans son processus adolescent. Enfin, la décision de ne pas se faire opérer apparaît, quand elle s'autorise, comme le témoin d'une assise identitaire de qualité et d'un fonctionnement psychique souple et capable de conflictualité. Si notre étude améliore les connaissances psychologiques sur ces enfants et leur famille, elle interroge la place et le désir de l'enfant, pris dans les rets de son investissement maternel et paternel et de sa relation à son chirurgien, dans sa décision d'une chirurgie plastique de reconstruction irréversible et non vitale sur son corps. Question éminemment contemporaine qui convoque, en médecine, celle du consentement de l'enfant.