Analyse taxonomique et fonctionnelle du microbiote digestif et des modifications de la barrière entérocytaire au cours de l'entérocolite du neutropénique
Auteur / Autrice : | Natacha Kapandji |
Direction : | Lara Zafrani, Muriel Thomas |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Hématologie |
Date : | Soutenance le 14/12/2023 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Hématologie, oncogenèse et biothérapies (Paris ; 2014-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Génomes, biologie cellulaire et thérapeutiques (Paris ; 2009-....) |
Jury : | Président / Présidente : François Barbier |
Examinateurs / Examinatrices : Paul-Louis Woerther | |
Rapporteur / Rapporteuse : François Barbier, Stéphanie Nguyen Quoc |
Résumé
L'entérocolite du neutropénique (EN) est une complication sévère des chimiothérapies utilisées notamment dans la prise en charge des hémopathies malignes. Le diagnostic repose sur l'association : d'une neutropénie inférieure à 500×109 neutrophiles/L, d'une fièvre supérieure à 38,3°C, et d'un épaississement de la paroi intestinale. Ce travail s'intéresse à sa physiopathologie en se concentrant sur le rôle du microbiote digestif et son interaction avec la barrière entérocytaire. Pour cela, une cohorte de patients a été constituée avec l'Autorisation du Comité de Protection des Personnes Ile de France VII. Ils présentaient une leucémie aiguë myéloïde et un suivi longitudinal avec des prélèvements de selles et de sang réalisés avant la chimiothérapie, à J14 de neutropénie, à la sortie d'aplasie et en cas de diarrhée ou de diagnostic avéré d'EN. Entre Septembre 2020 et Août 2022 65 patients ont été inclus. Parmi eux 26 ont présenté une EN. Ils ont été comparés aux 39 autres patients de la cohorte et à 13 patients pris en charge pour une EN dans le cadre d'une autre hémopathie maligne. La première partie de ce travail s'est intéressée aux modifications du microbiote digestif évalué par métagénomique ciblée 16s. Nous avons observé une diminution de la densité bactérienne et des indexes d'alpha-diversité après la chimiothérapie sans pouvoir identifier de modifications spécifiques des EN comparées aux patients contrôles sans complication digestive à J14 d'aplasie ou à ceux présentant des diarrhées non compliquées. Cependant, l'analyse dynamique de la béta-diversité était en faveur d'une signature bactérienne des EN caractérisée par la surreprésentation des gènes Veillonella, Eggerthellaceae, Enterococcus et Barnesiella. L'analyse non supervisée a mis en évidence 4 Entérotypes avec une transition temporelle d'un entérotype riche et diversifié à l'état basal vers les 2 entérotypes statistiquement associés aux EN marqués par une faible densité bactérienne, une faible diversité, une prédominance d'Enterococcus et une déplétion en bactéries productrices d'acides gras à chaînes courtes (AGCC). Ceci concordait avec les résultats des dosages d'AGCC fécaux qui montraient une diminution de la production du propionate et du butyrate en post chimiothérapie. Cette diminution était plus sévère chez les patients présentant une EN sans différence significative. Le butyrate et le propionate étant impliqués dans la littérature dans le maintien de l'intégrité de la barrière entérocytaire, nous avons évalué la masse entérocytaire par le suivi de la citrulline plasmatique. Les dosages se sont avérés faibles en post-chimiothérapie, reflet d'une masse entérocytaire altérée. Ils étaient corrélés à la charge bactérienne et à la production de butyrate. Enfin, l'analyse du transcriptome sur les pièces de colectomies de 6 patients opérés pour EN sévère a mis en évidence une surreprésentation de la voie KEGG JAK-STAT. Celle-ci signe la mise en place d'une réponse inflammatoire locale avec des cytokines pro-inflammatoires (IL6, LIF, OSM) et leurs récepteurs (OSMR, IL7R), ainsi que des facteurs de croissance (G-CSF). Elle s'associait à la mise en place d'une réponse adaptative avec une augmentation de molécules du complexe majeur d'histocompatibilité de classe II (HLA-DQB1, HLA-DRA, HLA-DRB1) partagée par la majorité des voies surexprimées chez nos patients. Ainsi, ce travail confirme l'impact majeur de la chimiothérapie sur le microbiote digestif et la barrière entérocytaire. L'analyse taxonomique du microbiote met en évidence un continuum dans la dysbiose entre les patients présentant des complications digestives moins sévères (diarrhée, mucite) et ceux présentant une EN. De plus l'EN est marquée par une diminution majeure de la masse entérocytaire pour laquelle le rôle propre de la diminution de production des AGCC reste à explorer. Enfin, dans ses formes sévères, elle est marquée par la mise en place d'une réaction inflammatoire locale malgré la neutropénie.