Thèse soutenue

Les pratiques de gestion des plantes entre culture et cueillette : apports croisés de l'ethnoécologie et de l'écologie fonctionnelle

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Auteur / Autrice : Jonathan Locqueville
Direction : Sophie CaillonSylvain CoqDoyle Mc Key
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie et écologie évolutives
Date : Soutenance le 19/09/2023
Etablissement(s) : Université de Montpellier (2022-....)
Ecole(s) doctorale(s) : École Doctorale GAIA Biodiversité, agriculture, alimentation, environnement, terre, eau (Montpellier ; 2015-...)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (Montpellier)
Jury : Président / Présidente : Éric Garnier
Examinateurs / Examinatrices : Ismael Vaccaro
Rapporteurs / Rapporteuses : Laure Emperaire, Sandra Lavorel

Résumé

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La relation des humains aux plantes alimentaires ou médicinales est souvent pensée à travers une dichotomie entre plantes domestiquées cultivées et plantes sauvages cueillies. Il existe en réalité un gradient d’intervention sur le milieu et les plantes comprenant une grande diversité de pratiques, dont certaines peuvent conduire à de la semi-domestication. Dans cette thèse, j’explore des systèmes situés dans cette zone grise entre sauvage et cultivé, d’un point de vue à la fois biologique et social. Plus précisément, j’étudie les relations entre pratiques de gestion, interactions plantes-plantes et variations intraspécifiques ou entre espèces du même genre botanique, en m’appuyant une approche interdisciplinaire entre écologie fonctionnelle et ethnoécologie. Deux cas d’étude sont mobilisés : le gradient de gestion de l’arnica des montagnes (Arnica montana, Astéracées) par les cueilleurs et les agriculteurs en France, et celui des haricots (Phaseolus spp., Fabacées) par les Yanaconas dans les Andes colombiennes. Pour les deux systèmes, je m’intéresse aux savoirs écologiques locaux qui orientent la gestion d'une espèce à l'échelle du paysage, sur un gradient allant de la cueillette à la mise en culture. Par ailleurs je m’attache à comprendre certains mécanismes écologiques impliqués dans la réponse de la plante à cette gestion.Je mets en évidence le rôle croissant des cueilleurs professionnels dans la gestion des milieux à arnica, ainsi que leur relation avec la plante et le paysage, en utilisant des enquêtes ethnoécologiques. Je montre en particulier que la gestion repose sur des alliances des cueilleurs avec les éleveurs, les acteurs institutionnels et les entreprises utilisatrices. Je mobilise des outils d’écologie, et notamment des mesures de traits fonctionnels dans la région des Monts d'Ardèche, pour explorer l'influence de différentes pratiques de gestion, telles que le pâturage et le gyrobroyage, sur la biologie de l'arnica. La diversité des modes de gestion des milieux pastoraux génère une importante variation intraspécifique de son phénotype, utilisée par les cueilleurs pour orienter les différents modes de cueillette de l’arnica. La manière dont la communauté végétale adjacente influence le phénotype de la plante fait l’objet d’une analyse détaillée. Je montre en particulier qu’au sein d’un large éventail de milieux, l’arnica maintient une importante distance fonctionnelle par rapport à la communauté, notamment par le biais de sa variabilité intraspécifique.Je m'intéresse également aux tensions entre la domestication agricole et les modes de gestion in situ des plantes, en mettant en avant les enjeux autour du maintien ou non d’une logique d’interaction entre plantes dans la domestication. L’arnica est une plante particulièrement intéressante car mise en culture de plus en plus fréquemment. Je montre qu’il existe de multiples passerelles entre les savoirs sur la cueillette et ceux sur la culture, ce qui incite les acteurs à explorer des manières de mettre en culture ayant pour point commun de chercher non à supprimer totalement la compétition interspécifique, mais à composer avec l’environnement et avec les autres plantes. J’aborde la même thématique au sujet des haricots cacha en Colombie, en montrant que le maintien de traits écologiques sauvages chez ces haricots permet aux Yanaconas de générer un gradient d’intensité de gestion, qui apporte une stabilité agroécologique et génère des régimes d’accès originaux à cette ressource. Le caractère semi-domestiqué des cacha permet de mettre à profit une diversité d’espaces du paysage tels que les haies, les friches et les jardins, par une connaissance fine des Yanaconas des interactions entre les cacha et les arbres.En conclusion, cette thèse met en évidence l'interconnexion des dynamiques écologiques et sociales, et souligne la nécessité de prendre en compte les valeurs relationnelles liées aux plantes et aux paysages pour comprendre les trajectoires écologiques.