De l’ADN environnemental jusqu’aux plans de conservation pour les poissons côtiers méditerranéens
Auteur / Autrice : | Agnès Duhamet |
Direction : | David Mouillot, Stéphanie Manel |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Ecologie fonctionnelle |
Date : | Soutenance le 12/12/2023 |
Etablissement(s) : | Université de Montpellier (2022-....) |
Ecole(s) doctorale(s) : | Biodiversité, Agriculture, Alimentation, Environnement, Terre, Eau |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Unité Mixte de Recherche CNRS-IFREMER-IRD-UM 9190 MARBEC Marine Biodiversity, Exploitation and Conservation Université de Montpellier |
Jury : | Président / Présidente : Christine Meynard |
Examinateurs / Examinatrices : Rémy Simide | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Naiara Rodriguez-Ezpeleta, Didier Aurelle |
Mots clés
Résumé
Les communautés de poissons marins, essentielles au bon fonctionnement des écosystèmes, sont de plus en plus menacées par les pressions humaines : surpêche, dégradation des habitats, pollutions et changement climatique. Dans ce contexte, des réserves marines sont mises en place pour tenter de les protéger. Afin de mieux orienter la protection des espèces, notamment les plus vulnérables, il faut mieux connaître leur répartition spatiale et bathymétrique, mais aussi leur niveau de coexistence avec les pressions humaines. L’obtention de ces données est difficile avec les outils classiques tels que la plongée, cantonnée aux zones superficielles ou la pêche qui reste destructive et sélective sur les espèces. En alternative, le metabarcoding de l’ADN environnemental (ADNe), permet une meilleure détection des espèces, même les plus rares ou les plus furtives, et semble particulièrement adapté aux communautés des zones mésophotiques (30-150 mètres de profondeur) qui restent mal connues car relativement inaccessibles. Cette méthode consiste à collecter et amplifier l’ADN laissé par les organismes dans leur environnement, puis à l’assigner à des espèces connues par comparaison aux séquences d’une base de référence génétique. Dans quelle mesure un échantillonnage de l’ADNe le long de gradients spatiaux, bathymétriques et anthropiques va-t-il pouvoir alimenter des modèles prédictifs d’occurrence des espèces et renseigner des plans de conservation pour la biodiversité ichtyologique côtière ? Telle est la question centrale de la thèse.Le premier chapitre synthétise les connaissances actuelles sur la répartition spatiale et bathymétrique des poissons marins à l’échelle mondiale, ainsi que la disponibilité des séquences dans les bases de référence génétiques publiques. Seules 19% des 11 786 espèces marines étudiées sont couvertes par le marqueur teleo couramment utilisé pour la détection des poissons. De ce fait, les possibilités d’utilisation des données ADNe restent limitées, car 81% des espèces ne peuvent pas être identifiées. De plus, les espèces ne vivant qu’au-delà de 30m de profondeur sont moins couvertes par les bases de référence. Le deuxième chapitre présente une modélisation visant à évaluer et comparer les effets relatifs des réserves et du confinement sur les probabilités d’occurrence de 87 espèces de poissons. Pour cela, un important travail de séquençage des espèces a été réalisé pour compléter la base de référence des espèces présentes en mer Méditerranée française. Au cours des campagnes d’échantillonnage d’ADNe menées entre 2018 et 2022, des échantillons ont été récoltés à l’intérieur et à l’extérieur de 11 réserves marines où la pêche est interdite, dont 160 pendant le confinement du printemps 2020 lié à l’épidémie de COVID-19. Les résultats montrent une augmentation de la probabilité d’occurrence dans les réserves pour 59% des espèces. La probabilité d’occurrence a augmenté lors du confinement pour 62% des espèces. La réponse à l’effet des réserves et du confinement est différente en fonction des espèces, suggérant que la mise en place de grandes réserves avec moins de présence humaine, en sus des réserves actuelles, sont nécessaires pour protéger l’ensemble de la biodiversité ichtyologique.Le troisième chapitre présente des modèles de distribution d’espèces prenant en compte les co-occurrences et les habitats côtiers méditerranéens. À partir de la distribution estimée de 120 espèces, des zones à protéger en priorité le long des côtes méditerranéennes françaises ont pu être identifiées pour atteindre les 30% de couverture en AMP préconisée d’ici 2030 et optimiser la conservation de la biodiversité ichtyologique. Dans cette thèse, le couplage entre les données issues du metabarcoding de l’ADNe et la modélisation a permis de décrire la répartition spatiale et bathymétrique des espèces, évaluer l’efficacité des mesures de protection et informer les futurs plans de conservation.