Confiance, autorité et métriques numériques : datafication des relations publiques, disruption de la mesure et naissance d'une nouvelle expertise professionnelle
Auteur / Autrice : | Miryam-Valeria Ramirez-Godinez |
Direction : | Sylvain Parasie |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 27/04/2023 |
Etablissement(s) : | Université Gustave Eiffel |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Organisations, marchés, institutions (Créteil ; 2010-) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés |
Jury : | Président / Présidente : Susan Halford |
Examinateurs / Examinatrices : Sylvain Parasie, Jean-Samuel Beuscart, Valérie Carayol, Tom Watson, Baptiste Kotras | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Samuel Beuscart, Valérie Carayol |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
La quantification sans précédent des mondes sociaux a été au cœur de nombreuses recherches. Comprendre comment les métriques numériques façonnent les interactions humaines est une tâche nécessaire que plusieurs filières académiques ont entrepris d'initier. Il a été montré comment les avis en ligne et les scores sur les réseaux sociaux changent les comportements des individus. Par ailleurs, la capacité performative des classements et des indicateurs impacte les communautés de pratique qui s'adaptent pour répondre aux attentes, et les choix gouvernementaux sont influencés par la politique des grands nombres. Cette recherche contribue ainsi à ces travaux en analysant les effets de la mesure numérique dans un groupe particulier : les professionnels des relations publiques (RP). Il s'agit d'un jeune groupe professionnel de communication dont la pierre angulaire est la connaissance intime de ses publics. Leur capacité à appréhender le monde à travers les relations humaines, la réputation et les asymétries d'influence est une valeur fondamentale de leur identité professionnelle. Cependant, le défi de prouver leur valeur pèse de plus en plus sur eux. Ces experts, en particulier, ont été impactés par la promesse socio-technique selon laquelle tout peut être tracé, noté et mesuré. Les statistiques de médias sociaux, métriques d’audience en ligne et d’autres technologies de valuation ont bouleversé leurs pratiques traditionnelles et ont été présentées comme la solution pour évaluer leur efficacité et gagner en légitimité. Ainsi, au cours des 15 dernières années, leur discours est passé d’assurer l'impossibilité de quantifier leur performance à affirmer que ce qui n'est pas mesuré n'a aucune valeur. L'assimilation des métriques numériques dans le groupe professionnel des relations publiques (aussi nommé relations publics) soulève des questions importantes sur la façon dont les professionnels naviguent la déstabilisation causée par le passage à la quantification. Ancrée au croisement de la sociologie de la quantification, de la sociologie des professions et des études des sciences et des techniques, cette recherche montre comment ces professionnels de la communication ont exploité, enduré et répondu à l'escalade des métriques numériques, et comment ils ont négocié son utilisation en tant que preuve objective de valeur, tout en préservant leur influence personnelle et leur autorité. Pour ce faire, ce travail se focalise sur un sur un groupe spécifique d'experts en mesure digital de la communication, datant de 1996, qui a vu dans les métriques numériques une opportunité pour proposer des cadres de mesure, promouvoir de meilleures pratiques et aussi avertir sur les risques d'une approche quantifié. Cette thèse identifie un ensemble de règles grammaticales (Lemieux, 2009) que ces experts en évaluation appliquent pour produire ce qu’ils perçoivent comme des "meaningful metrics" (métriques sensées). Il s'agit de la règle des objectifs, de la règle de la contextualité, de la règle de la causalité et de la règle de la recherche et de la transparence. L'examen de chaque règle nous permet de démêler leurs liens avec les missions, les normes et les valeurs, et de découvrir les aspects négatifs des "meaningless metrics" (métriques insensées). Pour les praticiens, le manquement des règles est à l'origine de nombreuses pratiques néfastes pour la profession. En encourageant les connexions personnelles, en favorisant les espaces collaboratifs, en discutant de leur travail et en créant des conventions de mesure individualisées, ces experts en communication ont réussi à réduire l'écart des métriques numériques