Recueillir la parole des personnes suspectées d'infractions : de l'évaluation des pratiques de terrain à la validation et l'amélioration d'un protocole français d'entretien cognitif adapté aux suspects
Auteur / Autrice : | Mathilde Noc |
Direction : | Magali Ginet, Nadine Deslauriers-Varin |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Psychologie |
Date : | Soutenance le 11/07/2023 |
Etablissement(s) : | Université Clermont Auvergne (2021-...) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale des lettres, sciences humaines et sociales (Clermont-Ferrand) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire de psychologie sociale et cognitive (Clermont-Ferrand ; 1984-...) |
Jury : | Président / Présidente : Delphine Martinot |
Examinateurs / Examinatrices : Amy-May Leach | |
Rapporteur / Rapporteuse : Laurence Taconnat, Benoît Testé |
Mots clés
Résumé
L'entretien avec la personne suspectée est un élément clé de la procédure d'investigation judiciaire, qui a pour but de répondre à plusieurs enjeux : recueillir des informations sur l'événement, comprendre l'implication de la personne, et évaluer sa crédibilité. Toutefois, plusieurs études à l'internationale ont permis de montrer que les pratiques professionnelles ne permettaient pas toujours de répondre à ces enjeux de manière optimale. En France, il n'existe pas d'évaluation des pratiques de terrain, en matière d'entretiens avec les suspect∙e∙s. En outre, peu d'outils sont proposés pour accompagner la pratique professionnelle, qui viseraient à : recueillir une grande quantité d'informations correctes sur les faits, n'obtenir que des aveux de personnes réellement coupables, évaluer la crédibilité des suspect∙e∙s. Dans une démarche de psychologie appliquée, l'objectif était donc triple : (i) évaluer les pratiques d'enquêteur∙ice∙s français∙e∙s en matière d'entretiens de suspect∙e∙s, (ii) enrichir et évaluer expérimentalement le bénéfice d'un outil, l'entretien cognitif pour suspect∙e∙s (ECS), (iii) proposer des pistes concernant la formation. Dans un premier temps, nous souhaitions réaliser une analyse concernant les pratiques d'entretien en place sur le terrain : quelles techniques sont utilisées par les enquêteur∙ice∙s ? Quelle est la formulation des questions posées ? Quels sont les effets de ces pratiques sur le volume d'informations recueillies et l'obtention d'aveux ? Deux études ont permis de montrer que, si les professionnel∙le∙s en France mettent en place des pratiques parfois bénéfiques, iels emploient surtout des techniques néfastes, ce qui reflète le manque de formations disponibles sur le sujet. Dans un deuxième temps, notre objectif était d'évaluer scientifiquement l'ECS (inspiré d'un protocole pour témoins au bénéfice largement éprouvé), puis de tester son utilisation par des professionnel∙le∙s. Ce protocole a vocation de permettre le recueil d'une grande quantité d'informations, et de repérer la tromperie chez les personnes malhonnêtes. Deux études, qui comparaient pour la première fois l'ECS à d'autres protocoles, ont permis de montrer que (i) l'ECS entraînait le recueil d'une plus grande quantité d'informations correctes, par rapport aux autres protocoles, sans augmenter le risque de faux-aveux chez les innocent∙e∙s ; (ii) l'ECS a été implémenté avec succès par des douaniers et douanières de la DR de Clermont-Ferrand, que nous avons formé∙e∙s, et a permis de recueillir une plus grande quantité d'informations correctes, par rapport à leurs pratiques habituelles d'entretien. En outre, une étude réalisée auprès des gendarmes de la SR de Clermont-Ferrand avait pour but de proposer une réflexion sur l'applicabilité de l'ECS dans le cadre d'affaires réelles. Troisièmement, nous souhaitions intégrer à la méthode de nouvelles composantes. En premier lieu, notre objectif était de lutter contre les effets néfastes du biais de confirmation d'hypothèses : un phénomène où l'enquêteur∙ice, persuadé∙e de la culpabilité de la personne, orienterait l'entretien en ce sens. Pour ce faire, deux études ont été proposées, dont l'objet était d'implémenter une consigne, à destination des enquêteur∙ice∙s, qui devait permettre d'augmenter leur neutralité cognitive et donc comportementale. En second lieu, notre objectif était de tester de nouvelles mnémotechnies – i.e. l'utilisation d'un dessin comme soutien au rappel, et un rappel réalisé à l'écrit – et à évaluer le bénéfice d'une mnémotechnie déjà préconisée dans la méthode : le rappel à l'envers. L'objectif ici était d'analyser, pour la première fois, leur bénéfice respectif en termes de recueil d'informations en les comparant entre elles, mais également de tester l'intérêt de ces techniques pour évaluer la crédibilité des suspect∙e∙s, au travers d'indicateurs verbaux. Les résultats permettent de formuler des recommandations pratiques, axées sur la formation au protocole de l'ECS.