D'un secret qui n'en serait pas un... : paradoxes communicationnels du "secret maçonnique"
Auteur / Autrice : | Dominique Leroyer |
Direction : | Pascal Lardellier, Richard Delaye-Habermacher |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences de l'information et de la communication |
Date : | Soutenance le 14/12/2023 |
Etablissement(s) : | Bourgogne Franche-Comté |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Lettres, Communication, Langues, Arts (Dijon ; Besançon ; 2017-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Communications, Médiations, Organisations, Savoirs (CIMEOS) (Dijon) |
établissement de préparation : Université de Bourgogne (1970-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Anne Collet-Parizot |
Examinateurs / Examinatrices : Pascal Lardellier, Richard Delaye-Habermacher, Vanessa Serret, François Silva, Emmanuel Carré | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Vanessa Serret, François Silva |
Mots clés
Résumé
Apparue en 1717 en Angleterre, propagée en France dans les années suivantes, la maçonnerie n’a toujours pas, trois siècles après sa naissance, une image stabilisée, tant elle est parcourue par des paradigmes de représentation contradictoires.Le « secret » dans cette médiation va constituer un élément clivant de représentation, qui fédère les imaginaires sombres de la maçonnerie, celui sur lequel se greffent les argumentaires les plus hostiles et les moins rationnels.Pourtant jamais en France la maçonnerie régulière, telle qu’elle s’exprima au XVIIIème siècle, d’abord par la Grande Loge de France, puis par le Grand Orient de France, enrichie ultérieurement par d’autres Obédiences, ne fut une société secrète.Dès l’origine, à l’instar de la maçonnerie anglaise, la maçonnerie française, fut connue et connaissable, dans sa structure, dans son fonctionnement, dans ses écrits, dans ses buts. Ses détracteurs, n’ont d’ailleurs eu qu’à puiser dans l’imposante littérature à disposition pour la combattre politiquement et socialement, médiatisant pour ce faire une image fausse de ce qu’elle est, construisant de toutes pièces l’assertion d’un secret inhérent à la maçonnerie.L’ambiguïté du mot « secret » a autorisé cet amalgame, dans la mesure où la franc-maçonnerie,a revendiqué le secret et l’ésotérisme qui en constituent une autre face, sur un plan spirituel et maïeutique. Fort de cette ambivalence, le secret maçonnique a enraciné une représentation de la maçonnerie ambiguë dont il constitue l’arrière-plan signifiant, car c’est toujours par lui, et par rapport à lui, que les différents discours portés sur la maçonnerie se positionnent.Ce discours sur le secret maçonnique, depuis le XVIIIème siècle jusqu’à aujourd’hui, s’organise autour d’un double paradoxe communicationnel.Le premier paradoxe communicationnel est constitué par l’oxymore suivant : énoncer comme secret quelque chose qui est publique. Oxymore de la proposition, car ce qui est public, par nature, n’est pas secret ; paradoxe en conséquence de la proposition qui affirme l’existence d’un secret maçonnique malgré l’évidence factuelle de son inexistence.Installé par la littérature de divulgation maçonnique (1738-1789), nous analyserons les ressorts discursifs de ce premier paradoxe communicationnel qui infuse le discours sur la maçonnerie en l’associant au secret alors qu’elle est factuellement totalement accessible et connaissable.Le second paradoxe, qui s’appuie sur le premier dont il est un développement, vise à essentialiser la maçonnerie à ce secret inexistant. Il prend sa naissance avec les Bulles Papales de CLÉMENT XII et BENOÎT XIV, et surtout, en 1798, avec les écrits d’Augustin BARRUEL suite au choc de la Révolution française. Cette essentialisation construit de la maçonnerie une image éloignée de sa réalité, organisationnelle, idéologique, humaine, sur laquelle il sera loisible à ses adversaires d’agréger des attributs négatifs pour mieux la combattre.Le discours du secret maçonnique, en réfutant à la maçonnerie sa réalité objective, devient ainsi le discours d’un environnement, social et politique, profondément ancré dans l’histoire, hostile à celle-ci, autant pour ce qu’elle est, que pour ce qu’elle représente. Le discours sur le secret maçonnique devient le lieu qui cristallise les interdiscours réactionnaires. Car depuis 1789, à travers l’antimaçonnisme du secret d’autres discours circulent, contrerévolutionnaire d’abord, puis antirépublicain, antisémite et aujourd’hui complotiste. Paradoxalement, les dictionnaires, en premier celui de l’Académie française, garants de l’épistémè dans le corps social furent un lieu de propagation de cette doxa.Présent depuis plusieurs siècles dans de nombreux discours et canaux de communication, le secret maçonnique, en tant que paradoxes communicationnels, est un mythe, au sens ou Roland BARTHES l’entend, qui structure durablement et profondément la représentation de la franc-maçonnerie dans la Société.