Thèse soutenue

Le renouveau des luttes définitionnelles de la juridiction des sages-femmes au prisme des recompositions des politiques de prise en charge de l’IVG

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Auteur / Autrice : Myriam Borel
Direction : Jean-Christophe Marcel
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 07/02/2023
Etablissement(s) : Bourgogne Franche-Comté
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, Espaces, Pratiques, Temps (Dijon ; Besançon ; 2017-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Interdisciplinaire de Recherches « Sociétés, Sensibilités, Soin » (Dijon)
établissement de préparation : Université de Bourgogne (1970-....)
Jury : Président / Présidente : Christine Détrez
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Christophe Marcel, Charles Gadéa, Laure Bereni, Fabrice Cahen
Rapporteurs / Rapporteuses : Charles Gadéa, Laure Bereni

Résumé

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La thèse porte sur le processus d’intégration du groupe professionnel à la catégorie des metteur.euse.s en œuvre de la politique publique en matière d’IVG. Cet élargissement du champ de compétence représente une opportunité pour une profession qui occupe une position dominée dans le champ médical depuis sa construction au tournant du XVIIIème siècle. L’attribution récente de nouveaux mandats en matière de santé sexuelle et reproductive est une reconnaissance des luttes qu’elle mène pour défendre le territoire de sa juridiction. La thèse pose que cette dynamique professionnelle trouve sa place dans le changement paradigmatique qui s’opère dans la « culture du problème public de l’IVG ». En effet, les pouvoirs publics ont à cœur de défendre le droit d’accéder à l’IVG tout en maintenant le compromis établi dans la loi Veil en 1975, qui consiste à ne pas « banaliser » cet acte, en assurant, par sa médicalisation, une forme de contrôle social sur les pratiques contraceptives et abortives. Mais, sous la pression d’une certaine demande sociale de reconnaissance de l’agentivité des femmes en la matière, et aussi pour pallier les dysfonctionnements dans l’organisation de l’offre de soins d’orthogénie, les pouvoirs publics ont fait bouger les lignes de ce compromis, conduisant à de nouvelles requalifications de l’IVG. Les représentations sociales (et professionnelles) autour de cet acte médical évoluent ; celui-ci s’en trouve progressivement « dépathologisé ». Ce glissement paradigmatique dans l’ordre symbolique produit autour de ce problème public, est le contexte dans lequel les dynamiques du groupe professionnel trouvent leur sens. Nous posons que le champ de compétence des sages-femmes a été élargi aux pratiques abortives du fait de ce mouvement de physiologisation de l’IVG qui, en retour, s’en trouve consolidé.La thèse se compose de cinq parties ; la première retrace l’itération de la démarche d’enquête. La deuxième présente l’état actuel de la demande et de l’offre d’IVG en France, et montre comment les statistiques publiques et les choix opérés dans l’élaboration des énoncés juridiques depuis 1975 rendent compte de ce mouvement de « physiologisation » de l’IVG. Celui-ci prend en compte les conflits qui persistent dans la définition des catégories à l’œuvre dans la production de l’ordre symbolique autour de ce problème public. La troisième partie donne à voir comment la légitimité de la profession s’est construite avec la nécessité de gagner une reconnaissance publique en s’enrôlant dans l’entreprise de lutte menée contre l’avortement, avant que celui-ci n’entre dans le champ de la planification familiale. La quatrième partie analyse les dynamiques actuelles au sein du groupe. En effet, son rôle en tant qu’agent de premier recours en matière de santé sexuelle et reproductive est renforcé, ainsi qu’aux yeux d’une partie de la patientèle qui revendique une approche moins médicalisée du maintien de sa santé génésique. Enfin, la cinquième partie montre la manière dont les sages-femmes s’inscrivent dans la diversité des arrangements organisationnels et des modalités de coopération entre professionnel.le.s impliqué.e.s dans l’activité d’orthogénie. Une différenciation interne au sein de la profession de sages-femmes apparaît ; certaines revendiquent l’exercice d’une expertise spécifique en orthogénie, à la fois relationnelle et féministe, au point d’endosser l’identité professionnelle de « sage-femme orthogéniste ». La dernière partie est consacrée à la construction de la compétence abortive au plan légal, ainsi qu’à l’entreprise de lutte menée par l’association nationale des sages-femmes orthogénistes (ANSFO), pour faire reconnaître leur légitimité à participer à la conduite de l’action publique en matière d’IVG et défendre le territoire leur juridiction.