Thèse soutenue

La notion de 'bonne foy' au XVIe siècle

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Clément Beuvier
Direction : Stéphan GeongetLaurent Gerbier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Lettres Modernes
Date : Soutenance le 04/12/2023
Etablissement(s) : Tours
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Humanités et Langues (Centre-Val de Loire ; 2018-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'études supérieures de la Renaissance (Tours ; 1956-....)
Jury : Président / Présidente : Olivier Guerrier
Examinateurs / Examinatrices : Blandine Perona
Rapporteurs / Rapporteuses : Olivier Guerrier, Géraldine Cazals

Résumé

FR  |  
EN

Cette thèse porte sur la notion de « bonne foy », décrite au cours du XVIe siècle comme une norme morale, politique et religieuse fondamentale. Renvoyant d'un premier point de vue à l'exigence de tenir la parole donnée, elle est au centre d'un discours qui se forme au croisement du droit, de la philosophie morale et de la littérature, dont la thèse tâche d'analyser les principales sources, les exempla privilégiés et la structure conceptuelle. À travers l'étude de cas particuliers, il s'agit alors de mettre en lumière le contenu spécifique dont la notion se trouve investie dans le contexte français du XVIe siècle, particulièrement sensible dans des œuvres littéraires comme le Regulus de Jean de Beaubreuil (1582) ou Le Bon François de Michel du Rit (1589). Une telle étude conduit toutefois à constater que les usages de la « bonne foy » sont irréductibles au seul paradigme de la parole donnée structurant ces œuvres, où la « bonne foy » consiste d'abord à être fidèle à une parole tenue envers et contre tout, selon l'idéal d'une constance domptant les circonstances. Dans le corpus plus large qui a été rassemblé, à la fois juridique, théologique et littéraire, la « bonne foy » consiste au contraire à tenir compte des circonstances, et de tout ce qui échappe à la stricte lettre des paroles. C'est ce que montre l'étude juridique de la notion : apparue dans le droit romain, la bona fides connaît dans le droit savant du Moyen Âge et de la Renaissance une élaboration théorique décisive, qui la rattache progressivement au paradigme de l'équité. La notion repose alors sur une certaine méfiance vis-à-vis des conséquences, contraires au bien et au vrai, auxquelles peut conduire une interprétation trop littérale des paroles humaines. Cet aspect détermine les usages de la « bonne foy » hors du droit, où l'on peut observer cette transposition d'une catégorie morale dans le champ de l'interprétation. Cette transformation de l'exigence de fides à l'œuvre dans la notion constitue l'objet principal de ce travail, qui explore la tension entre deux exigences que la « bonne foy » exprime sans que celles-ci se recouvrent parfaitement : faire valoir la force obligatoire des paroles tenues par les hommes d'une part, subordonner les paroles à l'intention qui les anime et à leurs conditions d'énonciation d'autre part. La « bonne foy » tend en effet à se définir au sein d'une éthique herméneutique dont les deux processus privilégiés sont les suivants : la reconnaissance par un locuteur qu'il était dans l'erreur, et la juste interprétation de la parole d'autrui. Fondamentalement, la notion se définit ainsi comme un rapport au savoir et au langage. L'étude de la « bonne foy » dans les Essais clôturant ce travail revient sur l'usage singulier que fait Montaigne d'une notion étroitement liée à la gnoséologie que l'œuvre déploie, fondée sur la reconnaissance de l'ignorance.