Thèse soutenue

L'Auteur et l'inspiration : inflexions françaises de la fureur dans la poésie et dans la traduction de la Renaissance anglaise

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Auteur / Autrice : Pádraic Lamb
Direction : Richard Hillman
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Lettres et Arts
Date : Soutenance le 28/02/2023
Etablissement(s) : Tours
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Humanités et Langues (Centre-Val de Loire ; 2018-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'études supérieures de la Renaissance (Tours ; 1956-....)
Jury : Président / Présidente : Pascale Drouet
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Jacques Chardin
Rapporteur / Rapporteuse : Pascale Drouet, Peter Auger

Résumé

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Cette thèse a un double objet. Le premier est d'étudier l'importance de l'inspiration poétique dans la détermination du statut d'auteur poétique ainsi que celui de la traduction poétique à la fin de l'époque élisabéthaine et au début de l'ère jacobéenne. Nous étudions le développement d'une forme de poétique inspirée—et les résistances qu'elle a suscitées— dans un corpus poétique et critique composé de certains ouvrages de Jacques VI et Ier, Edmund Spenser, Philip Sidney, George Chapman, Mary Sidney Herbert, Josuah Sylvester, parmi d'autres. Le deuxième objet de ce travail est d'étayer l'hypothèse selon laquelle les critiques et pratiques poétiques anglaises de l'inspiration ont été infléchies par la lecture, l'imitation ou la traduction d'un corpus français de textes platonisants, en vers et en prose. Ce corpus est principalement constitué de certaines œuvres de Joachim Du Bellay, de la poésie pindarique du jeune Ronsard et du modèle fourni par Guillaume Du Bartas. Ce travail de recherche place le sujet de l'inspiration dans les contextes qui lui sont propres : la poétique platonicienne de la Renaissance et le débat esthétique européen sur la notion de l'auteur. Cette analyse cherche à montrer comment l'inspiration peut rapprocher les doctrines de l'imitation littéraire et l'affirmation de la persona de l'auteur et du traducteur. Seront présentés deux modèles opposés de l'auteur—l'idéal et l'éclectique—prenant appui sur des textes de Girolamo Vida et d'Erasme. Ces deux modèles, chacun à sa façon, intègrent l'inspiration à une reconnaissance de la puissance d'agir de l'individu dans la composition poétique. Vida préconise l'imitation inspirée d'un seul auteur comme moyen d'une création poétique idéale. L'appropriation du modèle de Vida dans la poésie anglaise est analysée dans un moment de la Faerie Queene de Spenser et plus longuement au travers des traductions homériques de Chapman. L'héritage du modèle érasmien, qui, lui, privilégie une forme d'expression de soi par l'imitation éclectique, est esquissé à travers l'œuvre de Du Bellay puis des textes de Richard Mulcaster, pédagogue et proviseur de Spenser. L'Arte of English Poesie (1589) de George Puttenham est aussi mis à contribution dans la même perspective. La troisième partie se propose de relire une série de textes anglais qui imitent, traduisent ou commentent l'œuvre ou la figure de Ronsard comme une conséquente querelle littéraire autour de l'« auteur ». Ronsard, poète inspiré autoproclamé, et sa poétique semblent servir d'exutoire aux débats anglais centrés sur la définition de la créativité poétique en opposant des arguments idéalistes et éclectiques. Cette réception anglaise de Ronsard exige l'analyse de textes tels que Hekatompathia (1582) de Thomas Watson, la poétique de Puttenham, Astrophil and Stella (1591) et la Defence of Poesy (1595) de Sidney, ainsi que des textes de Theodore de Bèze (traduit par Arthur Golding) et d'écrivains moins connus. La quatrième et dernière partie examine un certain nombre de médiations de modèles poétiques français qui s'effectue au travers l'apothéose de certains auteurs et leur figuration en tant que Muses dans des textes (à la fois des œuvres ‘originales' et des traductions) de Jacques VI (The Essayes of a Prentise in the Divine Art of Poesie, 1584), Spenser (Ruines of Rome: by Bellay, 1591), Herbert (‘To the Angel Spirit of Philip Sidney', c. 1595), Thomas Moffet (Silkewormes, 1599) et Sylvester (Bartas: his devine weekes and works, 1605). Les réceptions de Du Bellay et de Du Bartas semblent particulièrement cruciales dans ce développement. S'en suivent des études de l'empreinte française sur des représentations anglaises de la fureur ou de l'inspiration qui revendiquent une transmission intacte des textes poétiques. Ces revendications tendent à doter les traducteurs de l'autorité du poète.