Thèse soutenue

Modélisation mathématique en 3D de l'émergence de l'architecture des tissus conjonctifs

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Auteur / Autrice : Pauline Chassonnery
Direction : Louis CasteillaDiane Peurichard
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Bio-informatique, génomique et biologie des systèmes
Date : Soutenance le 19/12/2023
Etablissement(s) : Toulouse 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Biologie Santé Biotechnologies (Toulouse)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Geroscience and rejuvenation research center (Toulouse ; 2021-....)
Jury : Président / Présidente : Noélie Davezac
Rapporteurs / Rapporteuses : Raluca Eftimie, Sébastien Benzekry, Giacomo Dimarco

Résumé

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Cette thèse porte sur l'hypothèse que des interactions mécaniques locales simples entre un nombre limité de composants puissent régir l'émergence de l'architecture 3D des tissus biologiques. Pour explorer cette possibilité, nous développons deux modèles mathématiques. Le premier, ECMmorpho-3D, vise à reproduire un tissu conjonctif non-spécialisé réduit à la matrice extra-cellulaire, c'est-à-dire à un réseau 3D de fibres interconnectées dynamiquement. Le second, ATmorpho-3D, est obtenu par ajout de cellules sphériques apparaissant et croissant spontanément dans ce réseau de fibres afin de modéliser la morphogenèse du tissu adipeux, un tissu conjonctif spécialisé ayant une grande importance sur le plan biomédical. Pour analyser les données produites par ces deux modèles, nous construisons un outil générique permettant de visualiser en 3D des systèmes composés d'un mélange d'éléments sphériques (cellules) et de bâtonnets (fibres) et de détecter automatiquement dans de tels systèmes des amas d'objets sphériques séparés par des bâtonnets. Cet outil peut également être utilisé pour traiter des images biologiques issues de microscopie en 3D, permettant ainsi une comparaison directe entre les structures in vivo et in silico. L'étude des structures produites par le modèle ECMmorpho-3D via des simulations numériques montre que ce modèle peut générer spontanément différents types d'architectures, que nous identifions et caractérisons grâce à notre outil d'analyse. Une analyse paramétrique approfondie nous permet d'identifier une variable émergente, le nombre de liens par fibre, qui explique et, dans une certaine mesure, prédit le devenir du système modélisé. Une analyse temporelle révèle que l'échelle de temps caractéristique de ce processus d'auto-organisation est fonction de la vitesse de remodelage du réseau et que tous les systèmes suivent la même trajectoire évolutive. Enfin, nous utilisons le modèle ATmorpho-3D pour explorer l'influence de cellules sphériques sur l'organisation d'un réseau de fibres dynamique, en prenant comme référence le modèle ECMmorpho-3D. Nous montrons que le nombre de cellules influence l'alignement local des fibres mais pas l'organisation globale du réseau. Par ailleurs, les cellules s'organisent spontanément en amas entourés de feuillets de fibres, dont les caractéristiques morphologiques sont très proches de celles des structures cellulaires in vivo. De plus, la distribution des différentes morphologies d'amas cellulaires est similaire dans les systèmes in silico et in vivo. Ceci suggère que le modèle est capable de produire des morphologies réalistes non seulement à l'échelle d'un amas mais aussi à l'échelle du système entier, en reproduisant les variabilités structurelles observées dans les échantillons biologiques. Une analyse paramétrique révèle que la proportion de chaque morphologie dans un système in silico est gouvernée principalement par les capacités de remodelage du réseau de fibres, pointant le rôle essentiel des propriétés de la matrice extra-cellulaire dans l'architecture et le fonctionnement du tissu adipeux (ce qui concorde avec plusieurs constatations biologiques ainsi que des résultats antérieurs en 2D). Le fait que ces modèles mathématiques très simples puissent générer des structures réalistes corrobore notre hypothèse selon laquelle l'architecture des tissus biologiques pourrait émerger spontanément à partir d'interactions mécaniques locales entre les composants du tissu, indépendamment des phénomènes biologiques complexes se déroulant dans ce tissu. Ce travail ouvre de nombreuses perspectives quant à notre compréhension des principes fondamentaux gouvernant la manière dont l'architecture d'un tissu émerge durant l'organogenèse, est maintenue au cours de la vie et peut être affectée par diverses pathologies. Les applications potentielles vont de l'ingénierie tissulaire à la possibilité de promouvoir la régénération chez les mammifères adultes.