Complexité et robustesse des pavages avec perturbations aléatoires
Auteur / Autrice : | Leo Gayral |
Direction : | Mathieu Sablik |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Mathématiques fondamentales |
Date : | Soutenance le 23/06/2023 |
Etablissement(s) : | Toulouse 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Mathématiques, informatique et télécommunications (Toulouse) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut de mathématiques de Toulouse (2007-....) |
Jury : | Président / Présidente : Jean-René Chazottes |
Examinateurs / Examinatrices : Pascal Maillard, Cédric Boutillier, Irène Marcovici, Mireille Bousquet-Mélou | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Tom Meyerovitch, Andrei Evgenjevich Romashchenko |
Résumé
La question centrale de ce manuscrit est celle de la robustesse aux perturbations de pavages définis par règles locales. Ici, un pavage désigne un étiquetage de la grille ℤ^d par un alphabet fini, avec des règles de voisinage déterminant quels symboles peuvent être juxtaposés, à l'instar de pièces de puzzle. Lorsque le nombre de règles est fini, on parle de sous-décalage de type fini (ou Subshift of Finite Type en anglais, abrégé en SFT). Dès la dimension d = 2, des structures complexes (apériodiques, hiérarchiques, autosimilaires) peuvent apparaître pour certains choix de règles locales. L'enjeu est alors de savoir à quel point ces structures sont préservées lorsqu'une faible proportion de perturbations est autorisée. L'enjeu est ici double. D'une part, pour les informaticiens, de telles structures peuvent servir à encoder des modèles de calcul (i.e. des ordinateurs) comme les machines de Turing. En théorie de l'information, il est naturel de se demander si un signal peut être transmis dans un milieu bruité, et par extension s'il est possible de réaliser physiquement un modèle de calcul qui produira des résultats corrects malgré des rares mais inévitables défauts localisés. D'autre part, pour les physiciens, de telles structures sont comparables à celles des quasicristaux, des matériaux hautement ordonnés mais sans structure cristalline (c'est-à-dire périodique), dont on peine encore à proposer un modèle théorique expliquant leur formation. Mon travail dans ce manuscrit vient refléter et entremêler ces deux points de vue. Après quelques chapitres introductifs, le premier bloc thématique concerne un bruit localisé, indépendant d'une cellule à l'autre. Ici, la question est de savoir si, globalement, une structure admissible de forte densité est observable dans les pavages perturbés (on parlera alors de structure stable). Le problème en dimension d = 1 est comme souvent traité à part, auquel cas il est possible de décider (algorithmiquement) si un choix de règles induit un système stable. En dimension d ≥ 2, des exemples de structures stables sont proposés, d'abord périodiques, en exploitant leur redondance en fin de compte assez localisée, puis apériodiques, en se basant sur une variante du pavage apériodique de Robinson (avec une structure quasi-périodique complexe émergeant de règles simples). En implémentant des calculs dans cette structure hiérarchique, par réduction depuis d'autres problèmes indécidables, il est montré que cette question de stabilité est indécidable, et plus précisément Π_2-dure dans la hiérarchie arithmétique. Enfin, par des arguments d'analyse calculable sur l'espace des mesures de probabilité sur ces pavages perturbés, une majoration Π_4 sur la complexité de la stabilité est obtenue. Le second bloc adopte un point de vue plus physique, en associant aux règles locales un potentiel induisant des mesures de Gibbs. La quantité de perturbations découle alors d'un paramètre de température, qu'on fait tendre vers 0 également. Ici, le comportement local est étudié (dans la topologie faible-* ), et la question n'est plus de savoir si le système converge mais vers quelle(s) limite(s). Dans le cas d = 1, de tels potentiels induisent une unique mesure perturbée pour toute température, et cette famille de mesures converge lorsque la température tend vers 0. En dimension d ≥ 2, ce n'est plus le cas, et il existe de tels potentiels pour lesquels le système est chaotique (il n'admet aucune trajectoire convergente). Sous une hypothèse supplémentaire d'uniformité du modèle, je prouve ici que l'ensemble des valeurs d'adhérence des trajectoires est au plus Π_2-calculable. Ensuite, l'optimalité de cette borne est établie via un résultat de réalisation (à homéomorphisme affine calculable près) de tous les ensembles Π_2 calculables comme ensembles d'accumulation pour un certain potentiel, en encodant les calculs nécessaires dans des structures qui s'effaceront à la limite.