Thèse soutenue

Physiopathologie des comas isoélectriques : de l’EEG au neurone

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Antoine Carton-Leclercq
Direction : Stéphane Charpier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Neurosciences
Date : Soutenance le 04/01/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Cerveau, cognition, comportement (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut du cerveau (Paris ; 2009-....)
Jury : Président / Présidente : Régis Lambert
Examinateurs / Examinatrices : Lionel Naccache, Valérie Crepel
Rapporteurs / Rapporteuses : Jeanne Paz, Dominique Debanne

Résumé

FR  |  
EN

Le cerveau génère de façon continue et endogène des activités électriques qui peuvent être enregistrées en surface grâce à un électroencéphalogramme (EEG). La fréquence et l’amplitude de ces potentiels EEG varient selon l’état de vigilance. Ainsi, l’état d’éveil conscient se caractérise par des activités rapides (≥ 10 Hz) et de faible amplitude, alors que le sommeil profond est associé à des oscillations amples et de basse fréquence (≈ 1 Hz). L’EEG est donc un outil clinique permettant d’établir des corrélations entre le patron global d’activité cérébrale et l’état physiologique ou pathologique du sujet. Lors d’une atteinte cérébrale d’origine traumatique, métabolique ou anoxique conduisant à un coma, les patrons EEG sont altérés et surviennent des profils EEG anormaux, tels que la généralisation et la persistance d’activités oscillatoires ou d’un patron d’activité de type burst-suppression (B-S), alternant bouffées de potentiels de grande amplitude et périodes de silence électrique. Le profil EEG le plus péjoratif, et le moins connu d’un point de vue neurophysiologique, est celui privé d’activité, aussi appelé isoélectrique. Un EEG isoélectrique est le plus souvent définitif lorsqu’il survient après un violent traumatisme crânien, une encéphalopathie ischémique ou une anoxie cérébrale prolongée, mais peut être réversible en cas d’intoxication médicamenteuse, d’hypothermie ou après une réanimation réussie. Il est généralement admis qu’une suspension des activités EEG spontanées reflète un arrêt complet des fonctions neuronales, rendant le cerveau incapable de traiter des informations endogènes ou exogènes. Mes recherches doctorales ont eu pour but d’explorer les propriétés fonctionnelles des neurones et réseaux corticaux qui pourraient possiblement persister lors d’un coma isoélectrique. J’ai dans un premier temps mis au point un nouveau modèle rongeur d’état isoélectrique réversible induit par l’administration de fortes doses d’isoflurane, un anesthésique volatile central de la famille des éthers halogénés. A l’aide d’enregistrements EEG et intracellulaires in vivo, j’ai comparé l’excitabilité intrinsèque et les réponses sensorielles, issues de la déflection des vibrisses, des neurones corticaux somatosensoriels pendant une période d’activité EEG continue et après suppression des activités cérébrales. J’ai montré que dans l’état isoélectrique les neurones corticaux étaient hyperpolarisés, dépourvus de potentiels synaptiques et de décharge spontanée, mais qu’ils conservaient leur capacité à être excités et à répondre à des stimulations sensorielles. J’ai ensuite réalisé des enregistrements multi-échelle dans un second modèle rongeur de coma isoélectrique induit par une anoxie cérébrale. J’ai montré que l’asphyxie chez le rat curarisé provoquait une rapide atténuation des activités neuronales dans toutes les couches du cortex jusqu’à l’obtention de tracés isoélectriques. Le silence électro-cérébral n’étant interrompu que par l’émergence dans les couches profondes d’une onde triphasique se propageant bidirectionnellement à toutes les couches du cortex. Cette onde baptisée onde de la mort (OdM) était le reflet extracellulaire d’une dépolarisation anoxique des neurones corticaux au terme de laquelle toute excitabilité intrinsèque était abolie. La ré-oxygénation déclenchait une repolarisation des neurones, coïncidant à son tour avec une autre onde corticale, l’onde de la réanimation (OdR). Après l’OdR, les activités neuronales et EEG récupéraient progressivement leurs niveaux pré-anoxiques. Mes travaux ont permis de mettre en évidence qu’un arrêt complet des activités cérébrales endogènes conduisant à un EEG plat ne signifie pas forcément un arrêt des fonctions neuronales et qu’un même profil EEG peut refléter différents états fonctionnels des réseaux neuronaux.