Filtrer l’Encyclopédie de Diderot, D’Alembert et de Jaucourt : une analyse historique et numérique de la chimie du milieu du XVIIIe siècle
Auteur / Autrice : | Mélanie Éphrème |
Direction : | Bernold Hasenknopf, Alexandre Guilbaud |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Chimie moléculaire |
Date : | Soutenance le 21/09/2023 |
Etablissement(s) : | Sorbonne université |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Chimie moléculaire de Paris centre (Paris ; 2000-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut parisien de chimie moléculaire (2009-....) |
Jury : | Président / Présidente : Valérie Marvaud |
Examinateurs / Examinatrices : Marie Leca-Tsiomis, David Aubin, Alain Sandrier | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Bernadette Bensaude-Vincent, Rémi Franckowiak |
Mots clés
Résumé
Historiens et philosophes de la chimie ont exploré des concepts structurant la chimie du XVIIIe siècle et l’apport des chimistes qui ont marqué la période. L’historiographie montre désormais l’intérêt d’obtenir une vue globale de ce qu’est la chimie pré-lavoisienne. Dans cette perspective, notre thèse s’inscrit dans un corpus vaste et généraliste, l’Encyclopédie de Diderot, de D’Alembert et de Jaucourt (1751-1772) et se demande : qu’est-ce que la chimie dans ce corpus ? Pour y répondre, nous nous sommes appuyés sur l’Edition Numérique Collaborative et CRitique de l’Encyclopédie (ENCCRE). D’abord, il s’agit de délimiter de ce corpus. Nous avons identifié un premier corpus désigné par les auteurs d’articles de chimie dans l’Encyclopédie, puis un second corpus étendu, fondé sur des critères d’analyse, manuels et numériques, quantitatifs et qualitatifs. Avec cette vue d’ensemble, on s’interroge sur le statut disciplinaire de la chimie décrite dans l’Encyclopédie. Nous nous intéressons aux auteurs de ce corpus, aux récits qu’ils donnent de leur histoire et sa modernité (notamment par rapport à l’alchimie), aux théories et aux concepts chimiques, aux discours tenus sur la pratique, au langage de la chimie, ainsi qu’aux relations de la chimie avec d’autres savoirs proches comme la médecine, la minéralogie, la physique, et l’histoire naturelle. La première partie de notre travail rassemble un état de l’art sur les différentes dimensions historiques du problème étudié. La seconde partie débute par la constitution de notre premier corpus, fondé sur le désignant des articles. Le corpus des désignés ainsi constitué réunit 592 articles, majoritairement anonymes, de Venel, d’Holbach, Malouin, Diderot, Jaucourt ou de Villiers. Son analyse esquisse un premier tableau d’ensemble de la chimie encyclopédique, dans lequel l’article CHYMIE occupe une place notable : celle d’une introduction, écrite par Venel, à ce qui apparaît comme un vaste domaine difficile à cerner, et incompris. Dans ce corpus, la chimie théorique doit sa modernité aux travaux des chimistes allemands Becher et Stahl, transmise en France par Rouelle. La chimie décrite dans l’Encyclopédie est aussi pratique, quantitative, non contradictoire avec le fait que les chimistes considèrent essentiel d’acquérir une longue expérience manuelle. De nombreuses professions et recettes figurent, parfois avec les planches à l’appui. Les questions économiques existent, quand il s’agit de la casse de leur verrerie, ou des travaux en grand comme la métallurgie, base à l’économie monétaire. Avec ces éléments à l’appui, nous montrons que plusieurs communautés de chimistes se retrouvent dans l’Encyclopédie, parfois par un même contributeur : académiciens, censeurs, traducteurs. Un quart des références bibliographiques sont publiées après 1740, illustrant toute l’effervescence de ce savoir. L’ensemble nous amène à penser que l’on peut déjà parler de la chimie du milieu du XVIIIe siècle, telle qu’elle est décrite dans le corpus ainsi désigné de l’Encyclopédie, comme d’une discipline. La troisième partie, étend le corpus de la chimie encyclopédique au-delà de ce que les désignants. Grâce à l’analyse du premier corpus et à la textométrie, nous construisons un corpus de chimie étendue constitué de 1141 articles supplémentaires, désignés en grammaire, en géographie, en physique, en histoire naturelle etc. Ces articles, dont nous n’avons fait qu’entamer l’étude, apportent de premiers éléments complémentaires sur les relations de la minéralogie de d’Holbach à la chimie, ou sur Boerhaave. Nous y trouvons aussi une critique dure de la chimie. Enfin, nous comparons la nomenclature des corpus de la chimie désignée puis étendue dans l’Encyclopédie avec les nomenclatures des deux premières éditions du Dictionnaire de Chymie de Macquer (1766 et 1778), océrisé et structuré dans ce but. Cette comparaison nous permet de montrer le bienfondé de notre méthode de constitution numérique du corpus de la chimie étendue.