Thèse soutenue

Étude comportementale, fonctionnelle et anatomique de la synesthésie des sous-titres

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Auteur / Autrice : Fabien Hauw
Direction : Laurent Cohen
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences cognitives
Date : Soutenance le 20/12/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Cerveau, cognition, comportement (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut du cerveau (Paris ; 2009-....)
Jury : Président / Présidente : Richard Lévy
Examinateurs / Examinatrices : Jonathan Grainger
Rapporteurs / Rapporteuses : Chotiga Pattamadilok, Julia Simner

Résumé

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Les réseaux cérébraux impliqués dans le langage oral et le langage écrit sont connectés et interagissent lorsque nous utilisons l’un ou l’autre. Par exemple lorsque nous entendons du langage, nous accédons aux informations concernant l’orthographe de ce que nous entendons, et inversement lorsque nous lisons, nous accédons aux informations phonologiques du contenu. L’aire de la forme visuelle des mots, située dans le gyrus fusiforme gauche, joue un rôle important dans ces interactions. Cette aire est spécialisée dans la reconnaissance des lettres et des mots, et apparaît avec l’apprentissage de la lecture. La synesthésie est définie comme une « fusion des sens » : la perception dans une modalité sensorielle est accompagnée d’une perception surajoutée, dans une autre modalité sensorielle non sollicitée. Il existe une synesthésie mettant en relation les processus de langages oral et écrit, nommée la synesthésie des sous-titres (tickertape synesthesia, TTS), et dans laquelle la personne perçoit la forme orthographique de ce qu’elle entend. Notre hypothèse était que les régions responsables de la TTS étaient les régions péri-sylviennes impliquées dans le langage, et visuelles impliquées dans le traitement de l’orthographe. Nous avions également prédit que ce phénomène était lié à une activation inverse du réseau de lecture, sous-tendue par des influences descendantes des aires du langage vers les aires de la lecture trop importantes. Nous avons fait remplir un questionnaire aux personnes ayant cette synesthésie, qui nous a permis de mieux caractériser l’expérience subjective de la TTS, notamment les aspects visuo-spatiaux des sous-titres et le type de stimulus auditif ou la situation pouvant déclencher la TTS. Nous avons aussi montré qu’il existait des différences de performance lors de tests comportementaux. Les synesthètes étaient avantagés lors des tâches impliquant la mémoire de travail orthographique sur stimulation auditive seule, mais n’étaient pas gênés lors de tâche visuelle avec interférence par le biais d’une stimulation auditive concomitante. Nous avons identifié les réseaux neuronaux activés durant la TTS, d’abord chez un seul synesthète, puis nous avons répliqué ces résultats sur tout un groupe. Ces régions correspondent aux régions péri-sylviennes impliquées dans le langage et aux régions occipito-temporales ventrales impliquées dans le traitement orthographique. Les réseaux activés dans la TTS étaient superposables à ceux activés par la lecture. Ces résultats confirmaient donc nos hypothèses de départ. Nous avons également montré qu’il existait un excès de connectivité au repos chez les synesthètes, notamment entre les régions frontales et occipitales. Il existait aussi un excès de connectivité chez les synesthètes entre les régions auditives primaires et la VWFA lors de l’écoute de langage par rapport au silence. Enfin, nous avons souligné l’importance de cette connectivité fronto-occipitale en étudiant le cas d’un patient atteint d’une cécité corticale suite à des lésions des aires associatives visuelles, avec épargne partielle du cortex visuel primaire. Malgré l’absence de conscience du patient de toute stimulation visuelle, celle-ci activait chez lui une région du cortex visuel primaire. Par rapport aux contrôles, cette région avait une connectivité au repos diminuée avec une région frontale gauche, déjà identifiée comme ayant un rôle dans la prise de conscience de stimuli visuels. Au total, nos travaux ont permis de mieux caractériser le phénomène de la TTS, et d’en préciser les substrats neuronaux. Ils ont aussi apporté des arguments pour le rôle des régions impliquées dans les modèles actuels du langage et de la lecture.