Thèse soutenue

Effet du réchauffement sur l’holobionte corail d'eau froide dans l'Océan Atlantique Nord-est

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Auteur / Autrice : Mathilde Chemel
Direction : Franck LartaudPierre E. Galand
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la mer
Date : Soutenance le 19/12/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'environnement d'Île-de-France (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire d'écogéochimie des environnements benthiques (Banyuls-sur-Mer, Pyrénées-Orientales ; 2012-....)
Jury : Président / Présidente : Yves Desdevises
Examinateurs / Examinatrices : Eve Toulza, Lénaïck Menot
Rapporteurs / Rapporteuses : Sophie Arnaud-Haond, Sam Dupont

Résumé

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Les coraux d'eau froide, comme Lophelia pertusa et Madrepora oculata, forment de vastes récifs qui constituent des habitats pour diverses communautés biologiques. Ils sont particulièrement menacés par l'augmentation de la température, et les modèles prédisent que la température pourrait encore augmenter de 3 °C dans l'océan Atlantique avant 2100. Des travaux récents ont permis de caractériser l'écologie de ces coraux et de mettre en évidence une dégradation de leur état de santé en réponse à des températures plus basses ou plus élevées. Cependant, les mécanismes moléculaires sous-jacents de leur réponse thermique, à l’échelle de l'holobionte (le corail et son microbiome associé), sont encore mal connus. Comprendre la réponse des coraux d'eau froide au réchauffement des océans, via une approche intégrative est déterminante pour évaluer leur résilience aux futurs changements climatiques. L'objectif de cette thèse était tout d'abord de décrire la dynamique in situ des holobiontes L. pertusa et M. oculata dans un canyon du Golfe de Gascogne (Atlantique Nord-Est) afin de déterminer les différences potentielles entre les populations atlantiques et méditerranéennes au niveau de la croissance et du microbiome. La croissance linéaire moyenne mesurée pour L. pertusa était de 2,4 ± 1,6 mm par an. La mortalité et la casse totales chez M. oculata n’ont pas permis de caractériser la croissance. Parallèlement, la détermination de la communauté microbienne a montré que le microbiome de L. pertusa était différent entre les deux régions avec une grande variabilité à l’échelle du canyon, tandis que M. oculata présentait un microbiome stable dans les différentes régions et une forte association avec certaines bactéries. Deuxièmement, la reproduction de ces deux espèces en Méditerranée a également été étudiée afin de déterminer les différences saisonnières avec la population Atlantique. Les résultats suggèrent une ponte saisonnière de L. pertusa en automne/début de l'hiver, correspondant à la formation de panaches d'eau profonde induits par les tempêtes en Méditerranée, tandis que M. oculata présente une reproduction continue. Le deuxième objectif général était de déterminer la réponse de l'espèce la plus sensible, L. pertusa, aux changements de température à l’échelle de l'holobionte, en utilisant la mesure des paramètres physiologiques (survie, croissance, nutrition et expression des gènes) et la réponse du microbiome. Au cours d'une expérience de deux mois en aquarium, nous avons montré qu'à une augmentation de température de +3 et +5 °C, L. pertusa de l'océan Atlantique Nord-Est présentait une modification de son microbiome parallèlement à une mortalité importante. Une approche métagénomique révèle la présence de gènes marqueurs de facteurs de virulence suggérant que la mort des coraux est due à des infections par des bactéries pathogènes. Dans une seconde expérience, menée à plus long terme, nous avons montré que si une baisse de température de 4 °C n'affectait pas la physiologie et le microbiome de L. pertusa, une augmentation de température de 4 °C entraînait une mortalité massive. Cette mortalité semble être associée à un niveau élevé de stress chez le corail, comme l'atteste l’augmentation de plusieurs gènes liés aux réponses immunitaire, inflammatoire et antioxydante, à la mort cellulaire, à la réparation et l'entretien de l'ADN, mais aussi à la modification de la communauté bactérienne. Nos travaux ont montré que L. pertusa et M. oculata présentent des stratégies de vie distinctes, notamment en termes de croissance, microbiome et reproduction, avec des différences marquées entre les populations. Nos résultats d'expériences en aquarium suggèrent cependant que les L. pertusa de l'Atlantique Nord-Est est aussi sensible au réchauffement que ceux des autres populations et il semble que tous les L. pertusa, indépendamment de la région d'où ils proviennent, seront fortement affectés par une augmentation de +3 °C.