Thèse soutenue

Démographie et réduction des nuisances des corneilles urbaines : une coexistence est-elle possible?

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Auteur / Autrice : Perrine Lequitte-Charransol
Direction : Frédéric JiguetAlexandre Robert
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'évolution
Date : Soutenance le 12/09/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris ; 1995-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre des sciences de la conservation (Paris ; 2003-....)
Jury : Président / Présidente : Nathalie Machon
Examinateurs / Examinatrices : Caroline Gilbert, François Chiron
Rapporteurs / Rapporteuses : Elsa Bonnaud, Raphaël Mathevet

Résumé

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L’abondance d’une espèce varie dans le temps et l’espace en fonction de processus intrinsèques aux populations, de leur structuration spatiale et de l’hétérogénéité de leur environnement. La question de la régulation locale des espèces dans un gradient d’urbanisation nécessite une compréhension fine de leur démographie, de leurs besoins écologiques et de leurs patrons de mouvements et de dispersion. La Corneille noire (Corvus corone) est un oiseau opportuniste dont les effectifs ont augmenté depuis les années 1990 à Paris, où elle est accusée de causer des dégâts. La question d’une régulation des populations de corneilles s’est posée. Cependant, pour s’assurer de l’efficacité d’une telle mesure, il est nécessaire d’étudier au préalable la dynamique de leurs populations. C’est pourquoi, le but de cette thèse est d’estimer différents paramètres démographiques des populations parisiennes, puis de s’en servir pour construire des modèles démographiques. Le premier paramètre que j’ai évalué est le sexeratio. L’espèce étant sexuellement monomorphique, j’ai eu recours au sexage moléculaire pour déterminer le sexe de 45 mâles et 48 femelles. J’ai ensuite cherché à prédire ce sexe à l’aide des mesures morphométriques de ces individus. La fonction d’assignation ainsi obtenue détermine le sexe avec 88% de bon classement, et a donc permis de sexer 542 autres corneilles capturées au Jardin des Plantes de 2016 à 2021. Le sexe-ratio est équilibré, bien que légèrement en faveur des femelles, et varie en fonction des années. Le second paramètre est la survie, que j’ai estimée à Paris grâce à des modèles de capture-marquage-recapture, en conditions usuelles et pendant le confinement consécutif à la pandémie de Covid 19, qui a drastiquement diminué les ressources alimentaires d’origine anthropique disponibles pour les oiseaux. Pour les adultes, une probabilité de survie apparente saisonnière a été estimée à 0.96 [0.91 ; 0.98] entre l’été et l’automne, 0.90 [0.86 ; 0.93] entre l’automne et l’hiver, 0.92 [0.87 ; 0.95] entre l’hiver et le printemps et 0.91 [0.86 ; 0.94] entre le printemps et l’automne. Pour les jeunes, elle a été estimée à 0.81 [0.74 ; 0.87] entre l’été et l’automne, 0.90 [0.85 ; 0.94] entre l’automne et l’hiver, à 0.55 [0.34 ; 0.75] entre l’hiver et le printemps . La survie des corneilles de première année a chuté pendant le confinement , en particulier entre l’été et l’automne 2020, sa valeur tombant à 0.59 [0.38;0.78], contre 0.85 [0.77;0.91] durant les périodes sans confinement. La survie des corneilles de première année semble donc dépendante des restes alimentaires d’origine anthropique. Le troisième élément à prendre en compte est le succès reproducteur, que j’ai évalué à l’aide d’un suivi des nids dans Paris. J’ai utilisé ces paramètres pour implémenter des modèles démographiques, dont le taux de croissance était inférieur à 1. Les populations de corneilles de Paris devraient donc voire leurs effectifs diminuer en l’absence d’immigration. Enfin, j’ai étudié l’impact d’une mesure de réduction des nuisances causées par les corneilles : l’endommagement des pelouses. A l’aide d’une expérience de tonte différentiée, j’ai observé que les corneilles arrachent moins l’herbe haute que les pelouses rases. Il est donc possible de limiter les dégâts des corvidés à l’aide de mesures adaptées. Ma thèse suggère donc premièrement que dans un milieu très anthropisé, la démographie des corneilles est liée aux ressources alimentaires d’origine anthropique, deuxièmement que la dynamique locale est probablement fortement conditionnée par les mouvements d’individus vers Paris et troisièmement que les dégâts peuvent être réduits. La gestion des corneilles pourrait par conséquent se focaliser sur la réduction des dégâts et de l’attractivité (réduction des ressources disponibles) plutôt que sur la destruction d’individus.