Thèse soutenue

Mécanisme(s) d'invasion de Plasmodium vivax chez les patients Duffy-négatifs

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Auteur / Autrice : Isabelle Bouyssou
Direction : Didier Ménard
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Génétique et génomique
Date : Soutenance le 27/06/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Complexité du vivant (Paris ; 2009-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut Pasteur (Paris). Biologie de Plasmodium et Vaccins
Jury : Président / Présidente : Olivier Silvie
Examinateurs / Examinatrices : Sara El Hoss, Dominique Mazier, Chetan E. Chitnis, Carlo Severini
Rapporteurs / Rapporteuses : Rachida Tahar, Benoît Malleret

Résumé

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Le paludisme à Plasmodium vivax est une maladie infectieuse causée par le parasite protozoaire Plasmodium vivax et transmise par les moustiques femelles Anopheles. Cette maladie est prévalente en Amérique, Asie, Moyen-Orient, Pacifique, Afrique du Nord-Est et Afrique du Sud mais demeure rare en Afrique sub-saharienne. Historiquement, la maladie était considérée bégnine et peu dangereuse du fait de l'observation de faibles parasitémies chez les patients Duffy-positifs et de l'absence virtuelle d'infections chez les individus Duffy-négatifs. Des études ont montré que les individus d'origine africaines ou afro-américaines étaient naturellement résistants à P. vivax. Les parasitologistes pensaient que cela était dû à l'absence de récepteurs Duffy Antigen Receptor for Chemokines (DARC) à la surface de leurs érythrocytes. Ensuite, l'identification du ligand P. vivax Duffy Binding Protein (PvDBP) spécifique à DARC et la preuve de l'importance de l'interaction PvDBP-DARC dans le mécanisme d'invasion ont conduit à l'établissement d'un paradigme scientifique selon lequel les mérozoïtes de P. vivax envahissent exclusivement les érythrocytes Duffy-positifs. La recherche sur le paludisme à P. vivax a donc longtemps été négligée et d'importantes lacunes demeurent. Cependant, le nombre de cas de paludisme à P. vivax stagne dans certains pays et un nombre croissant de cas d'infection chez des patients Duffy-négatifs est reporté en Afrique. Cela a soulevé des interrogations quant aux mécanismes d'invasion de P. vivax. Une première hypothèse est que le parasite a évolué vers un nouveau mécanisme d'invasion outrepassant la Duffy-négativité. Alternativement, une seconde hypothèse est que les populations Duffy-négatives ont toujours représenté un réservoir silencieux et insidieux d'infection. Mon projet de thèse vise à décrypter les mécanismes d'invasion de P. vivax chez les patients Duffy-négatifs. 1.Etude bibliographique: comprendre le contexte et les enjeux liés à l'émergence du paludisme à P. vivax en Afrique sub-saharienne et étudier les connaissances actuelles sur les mécanismes d'invasion de P. vivax obtenues grâce aux technologies omiques. 2.Etude d'épidémiologie moléculaire: comprendre l'épidémiologie du paludisme à P. vivax en Ethiopie, disséquer le génome d'isolats de P. vivax circulant en Afrique sub-saharienne et rechercher une signature moléculaire de l'invasion via des techniques de séquençage. 3.Etude fonctionnelle: caractériser les érythroblastes Duffy-négatifs pendant leur différentiation et évaluer la capacité des mérozoïtes de P. vivax à les envahir via des essais fonctionnels in vitro. Les résultats de l'étude bibliographique ont montré que, malgré de récentes avancées, la recherche sur le paludisme à P. vivax est entravée par le manque de données scientifiques et de techniques expérimentales. Par ailleurs, les résultats des études d'épidémiologie moléculaire ont révélé que les souches de P. vivax se regroupent en clusters géographiques. Mais ils n'ont pas permis d'identifier une association entre la diversité génétique des souches de P. vivax et une adaptation aux hôtes humains Duffy-négatifs. Ce qui suggère que les parasites P. vivax n'ont pas évolué vers une voie d'invasion alternative pour infecter les patients Duffy-négatifs. En fait, les résultats de l'étude fonctionnelle ont démontré qu'une sous-population d'érythroblastes Duffy-négatifs est capable d'exprimer la protéine fonctionnelle DARC, et que les mérozoïtes P. vivax sont capables de les envahir. Ainsi, l'ensemble de ces travaux de recherche va à l'encontre du paradigme scientifique établi selon lequel les mérozoïtes de P. vivax envahissent exclusivement les érythrocytes Duffy-positifs et supporte l'hypothèse que les populations africaines Duffy-négatives représentent un réservoir silencieux et insidieux d'infection. Ce qui entraine d'importantes conséquences pour le contrôle et l'éradication du paludisme à P. vivax en Afrique sub-saharienne.