Thèse soutenue

Prise en compte des effets de la pollution lumineuse sur la biodiversité dans les mesures de conservation : défis et perspectives
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Auteur / Autrice : Léa Mariton
Direction : Brigitte ZandaIsabelle Le ViolChristian Kerbiriou
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la conservation
Date : Soutenance le 10/02/2023
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre des sciences de la conservation (Paris ; 2003-....)
Jury : Président / Présidente : Sandra Luque
Examinateurs / Examinatrices : Kamiel Spoelstra, Emmanuelle Baudry
Rapporteurs / Rapporteuses : Laurent Godet, Thierry Tatoni

Résumé

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Ce dernier siècle, les lumières électriques ont proliféré, modifiant l’environnement nocturne. Des études scientifiques alertent sur les effets négatifs de la lumière artificielle nocturne (LAN) qui perturbe de nombreux processus écologiques et de taxons. Notre objectif a ainsi été de combler des manques de connaissances afin d’aider à une meilleure considération des effets de la pollution lumineuse sur la biodiversité dans les mesures de conservation. Nous avons utilisé les chiroptères comme modèles biologiques car ce sont de bons bioindicateurs de l’effet des pressions anthropiques sur la biodiversité et, étant nocturnes, ils sont directement exposés à la LAN. Nous avons préconisé de considérer la distribution temporelle des espèces dans les mesures de conservation, un prérequis étant de connaître leur écologie temporelle. Nous avons utilisé les données d’un programme national de suivis acoustiques des chiroptères (Vigie-Chiro) pour étudier leur rythme d’activité nocturne (9807 nuits, 20 espèces). Nous avons montré que les espèces pouvaient être séparées en trois groupes ayant une activité crépusculaire, en cœur de nuit ou intermédiaire, avec des variations des rythmes d’activité selon les saisons. La prise en compte de ces rythmes complexes aiderait à concevoir des mesures de conservation efficaces, par exemple, en définissant des extinctions partielles de la LAN adaptées à des espèces cibles. La plupart des chiroptères émergeant tôt sont des espèces « tolérantes à la lumière » pouvant se nourrir sous les lampadaires. Cependant, à l’échelle du paysage, ces espèces semblent moins abondantes à cause de la LAN. Cela pourrait s’expliquer par des perturbations de leur rythme d’activité influant possiblement les dynamiques de population. A l’aide des données Vigie-Chiro, nous avons testé si la LAN induisait de telles perturbations pour une de ces espèces (Eptesicus serotinus). La LAN, et dans une moindre mesure la lumière de la lune, réduisaient son abondance. La LAN retardait son activité, ce décalage était amplifié par la couverture nuageuse, possiblement à cause de son effet amplificateur du halo lumineux. Des analyses complémentaires ont suggéré que la LAN retardait l’activité de deux autres espèces « tolérantes à la lumière ». Ainsi, même ces espèces devraient être protégées de la LAN. Lorsqu’éclairer est nécessaire, changer l’intensité, la direction ou le spectre des éclairages sont des mesures de réduction possibles. Nous assistons à une modernisation des éclairages avec des diodes électroluminescentes (LEDs). Malgré des impacts potentiels sur la biodiversité, peu d’études se sont intéressées à cette évolution. En réanalysant les données d’une étude publiée, nous avons montré que les changements de spectre et d’intensité accompagnant cette évolution avaient des effets additifs et interactifs sur les chiroptères. Quand l’intensité des LEDs augmentait, leur activité décroissait. Avec les données Vigie-Chiro, nous avons montré que les LEDs pouvait réduire la connectivité du paysage pour les chiroptères, cet impact étant atténué en orientant mieux les lumières. Nous avons recommandé d’utiliser des LEDs avec des couleurs plus chaudes et de moindre intensité. Evaluer l’effet de la LAN sur la biodiversité implique des approches spatio-temporelles multi-échelles. Malgré les manques, il y a désormais suffisamment de preuves de l’impact de la LAN sur les écosystèmes. Les mesures de réduction étant en développement, évaluer leur efficacité et les améliorations possibles est indispensable. Penser la réduction de la LAN à l’échelle du paysage est une évolution impérative, d’où l’émergence du concept de trame noire. Un projet pluridisciplinaire sur les pratiques communales d’éclairage et leurs évolutions a été initié pendant cette thèse. En effet, puisque la LAN n’a pas que des implications écologiques, mais aussi sanitaires et socio-culturelles, une perspective transdisciplinaire est indispensable pour changer nos façons d’éclairer.