Thèse soutenue

Aux frontières de la géothermie profonde : l'émergence du milieu « sous-sol » dans un contexte de transition énergétique

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Auteur / Autrice : Justin Missaghieh-Poncet
Direction : Xavier Arnauld de Sartre
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Géographie
Date : Soutenance le 25/05/2023
Etablissement(s) : Pau
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences sociales et humanités (Pau, Pyrénées Atlantiques)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Transitions Energétiques et Environnementales

Résumé

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Réservoir naturel d'énergies fossiles extraites pour fonder les deux révolutions industrielles, le sous-sol est-il en train – au prétexte de la transition énergétique – de changer de statut pour devenir un des milieux dans lequel cette transition est possible ? C'est le pari qui est fait avec la géothermie profonde. Cette technologie consiste à produire de la chaleur et de l'électricité issues d'une modification de la géothermie dite améliorée de moyenne profondeur qui s'est développée en France, dans le Bassin parisien, après les chocs pétroliers des années 1970. Si cette forme de géothermie allait chercher la chaleur dans les couches géologiques situées à environ 2000 mètres de profondeur, dont les fluides étaient extraits pour amener la chaleur en surface, la géothermie profonde implique d'aller chercher la chaleur bien plus profondément (environ 5000 mètres) en créant des réseaux souterrains pour faire circuler des fluides. Beaucoup plus coûteuse, cette technique est plus difficile techniquement. Les années 2010 ont cependant permis de s'intéresser à cette technique, dans une volonté de produire une électricité décarbonée, s'inscrivant dans les politiques de transition énergétique. Néanmoins, le développement de cette géothermie a été complexe, générant à ce jour plus d'échecs industriels que de succès. Si le « défaut d'acceptabilité sociale » est souvent proposé pour justifier l'échec de ces projets, il nous est apparu, au cours de cette recherche, nécessaire d'aller au-delà de cette explication, en regardant non seulement les populations, mais également le portage sociotechnique et le contexte territorial dans lequel la technologie a été déployée. En effet, l'acceptabilité sociale est souvent réduite à une approche procédurale et de gestion du « risque social », occultant que la controverse est une mise en concurrence entre différents récits, et révélant des rapports des changements de rapports de force au sein des territoires. Le déploiement de ces technologies est contraint par d'autres limites : le modèle technico-économique nécessite une phase de maturation, à travers la mobilisation de la promesse technoscientifique (notamment dans le cas de l'EGS) et la recherche d'un modèle économique viable (chaleur, électricité, lithium). Le résultat le plus saillant de notre travail est sans doute que ces projets révèlent également des mécanismes de politisation du sous-sol, en requestionnant la relation des milieux surfaciques et souterrains et en construisant des territoires verticaux. Le sous-sol est ainsi amené à changer progressivement de statut, grâce à la transition énergétique, devenant un milieu où cette transition se manifeste. Ces changements sont timides, limités aux espaces où des projets souterrains sont déployés et, surtout, ils ne sont pas institutionnalisés. En témoigne l'analyse de la gouvernance du sous-sol, au travers de la mise en place de forums hybrides et des difficultés de gestion de ce milieu par les autorités étatiques, qui font que, en matière de politique publique au moins, on est encore loin de territoires verticaux.