Technologies émergentes et qualification du recours à la force

Emerging technologies and qualification of the use of force

• Auteur / Autrice : Eléonore Gabriel
• Direction : Anne-Laure Vaurs-Chaumette
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Droit public
• Date : Soutenance le 27/10/2023
• Etablissement(s) : Paris 10
• Ecole(s) doctorale(s) : École Doctorale Droit et Science Politique
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de droit international (Nanterre)
• Jury : Président / Présidente : Anne-Thida Norodom
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Anne-Laure Vaurs-Chaumette, Anne-Thida Norodom, Karine Bannelier - Christakis, Valère Ndior, Pierre Bodeau-Livinec
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Karine Bannelier - Christakis, Valère Ndior

Mots clés

Mots clés contrôlés

Guerre (droit international)

Sécurité internationale

Effets des innovations technologiques

Guerre

Mots clés libres

Technologies émergentes

Recours à la force

Agression armée

Acteurs non étatiques

Qualification

Jus ad bellum

Emerging technologies

Use of force

Armed attack

Non state actors

Qualification

Jus ad bellum

Résumé

Les technologies émergentes telles que les cyberattaques, les drones armés ou les systèmes d’armes autonomes, peuvent être considérées comme un facteur de transformation de la conception classique de la guerre : en modifiant ses moyens, elles modifieraient ses méthodes. La modernisation de l’arsenal militaire n’a pourtant rien d’inédit et le régime juridique de l’interdiction du recours à la force ne s’intéresse pas directement aux moyens employés. Ce que les technologies émergentes interrogent c’est en réalité la notion même de recours à la force et la détermination de ses contours. La particularité du jus ad bellum est d’être un corpus composé de règles limitées, formulées de manière générale. Il s’agit d’un droit peu technique, dont l’application se fait principalement in concreto. S’il l’applicabilité de la Charte des Nations Unies à de nouveaux moyens ou de nouveaux espaces offensifs est généralement admise, son application soulève en conséquence davantage de difficultés. Certaines technologies, soit qu’elles soutiennent des modalités de recours à la force contestées, soit qu’elles créent de nouvelles modalités de recours à la force, rendent plus incertaine l’opération de qualification du recours à la force ou de l’agression armée dont elles seraient le moyen. L’emploi offensif des technologies émergentes se manifeste régulièrement par des cas atypiques qui se placent dans les interstices des seuils du jus ad bellum, mettant en lumière une certaine indétermination de ses catégories juridiques. A cet égard, la nécessaire souplesse du corpus peut aussi conduire à des interprétations qui fragilisent le principe de l’interdiction du recours à la force. La pratique des États, parce qu’elle est insuffisante ou hétérogène, ne permet pas à ce jour de démontrer l’existence d’une évolution particulière du jus ad bellum concernant les interrogations soulevées par les technologies émergentes. Elle illustre cependant la difficulté pour les États d’adopter une position homogène sur le contenu et la portée de dispositions cardinales du droit international, donnant à voir les dissensions contemporaines qui agitent le jus ad bellum.

Emerging technologies such as cyber-attacks, armed drones and autonomous weapons systems can be seen as modifying the traditional concept of war: by changing the means of warfare, they would change its methods. However, the modernization of the military arsenal is by no means unprecedented, and the legal regime prohibiting the use of force is not directly concerned with the instruments employed. What emerging technologies are really challenging is the very notion of the use of force, and the definition of its parameters. The distinctive feature of jus ad bellum is that it is a body of limited, generally formulated rules. It is not a highly technical body of law, and is essentially applied in concreto. While the applicability of the UN Charter to new offensive means or spaces is generally accepted, its application nonetheless raises more difficulties. Certain technologies, either supporting contested modalities of use of force, or creating new modalities of use of force, render more uncertain the process of qualifying the use of force or armed aggression. The offensive use of emerging technologies regularly manifests itself in atypical forms that straddle the thresholds of jus ad bellum, highlighting the indeterminacy of its legal categories. In this respect, the necessary flexibility of the legal framework can also lead to interpretations that undermine the principle of the prohibition on the use of force. State practice, whether insufficient or heterogeneous, does not yet provide evidence of any particular evolution in jus ad bellum with regard to the issues raised by emerging technologies. It does, however, illustrate how states struggle to adopt a uniform stance on the content and scope of cardinal provisions of international law, revealing the contemporary divisions surrounding jus ad bellum.