Thèse soutenue

Le droit coutumier du Punjab britannique 1849-1947 : des aspects et des enjeux d'un droit colonial.

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Auteur / Autrice : Amanjit Kaur Sharanjit
Direction : Jean-Louis Halpérin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire du droit et des institutions
Date : Soutenance le 06/01/2023
Etablissement(s) : Paris 10
Ecole(s) doctorale(s) : École Doctorale Droit et Science Politique (Nanterre)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de théorie et d'analyse du droit (Nanterre)
Jury : Président / Présidente : Soazick Kerneis
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Louis Halpérin, Soazick Kerneis, Laëtitia Marie Guerlain, Laurent Gayer, Pierre Brunet
Rapporteurs / Rapporteuses : Laëtitia Marie Guerlain, Laurent Gayer

Résumé

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Le 29 mars 1849, le Punjab est annexé par la Compagnie des Indes orientales britanniques (la C.I.O.). Ce faisant, la région des cinq fleuves (« punj » signifiant cinq et « ab » signifiant eau en persan) devient l’une des dernières grandes conquêtes du pouvoir colonial. Elle restera sous domination britannique jusqu’en 1947. Cette conquête territoriale s’inscrit dans un contexte où l’impérialisme britannique commence à s’affirmer au sein du sous-continent indien. Lorsqu’elle s’est établie pour la première fois en Inde, au XVIIe siècle, la C.I.O. n’était qu’une compagnie marchande parmi d’autres compagnies européennes, souhaitant bénéficier de monopoles commerciaux. Deux siècles plus tard, au XIXe siècle, la C.I.O. est devenue un véritable pouvoir politique, militaire et judiciaire. Sa nationalisation en 1858 et son remplacement par le règne de la Couronne britannique s’inscrivent dans la continuité de ce processus de politisation institutionnel alors bien avancé. Arrivés dans le Punjab, le Gouverneur Général des Indes Dalhousie et les premiers administrateurs du Punjab s’interrogent sur le droit à appliquer aux litiges d’ordre privés. Jusqu’à présent, les officiers de la C.I.O. s’étaient penchés sur les traditions religieuses, hindoues et musulmanes, pour y identifier le droit applicable. Mais depuis quelques années déjà, une telle méthode souffre de critiques car elle est vue par certains administrateurs comme dénaturant les usages locaux et par d’autres comme laissant une place importante à une certaine élite religieuse, laquelle n’est pas proche de la population indienne. Conscients de cela, les administrateurs du Punjab britannique imaginent alors chercher l’origine du droit privé non pas dans les traditions religieuses mais dans les coutumes tribales et villageoises. Mais alors que ces mêmes administrateurs ont pour volonté de protéger la population punjabie, selon une rhétorique bien établie, des technicités procédurales d’un droit qui s’applique ailleurs dans l’Inde britannique, la région n’échappe pas au processus de l’institutionnalisation du droit : des juridictions hiérarchisées sont mises en place, une procédure civile devient applicable dans tout le territoire indien, des universités sont instituées offrant des cursus en droit et des barristers se forment dans les inns londoniens. À cela s’ajoutent les méthodes de compilation des coutumes, qui font à la fois valoir une forme de collaboration avec les chefs des tribus locales mais qui ne peuvent se faire sans procéder à une sélection de telles coutumes. Ce sont autant de modalités qui permettent le passage de coutumes vers un droit coutumier – lequel est par ailleurs théorisé à l’aune des théories du droit se développant en Inde, en Europe et aux États-Unis : celle de la communauté de village et celle de la succession agnatique. La juridicisation des coutumes s’accompagne par ailleurs par une cristallisation de certaines identités et inégalités sociales : l’identité tribale, ainsi, reçoit une reconnaissance sur le plan juridique et les femmes, par ailleurs, sont exclues de façon structurelle de la succession aux propriétés ancestrales. Par ailleurs, au moment où les mouvements réformateurs socioreligieux et nationalismes ethniques s’affirment, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la légitimité d’un droit qui ne se fonde pas sur les identités religieuses est remise en cause. Cette recherche a ainsi vocation à développer les différents point que nous venons d’évoquer : premièrement, elle s’intéresse aux controverses historiques et théoriques étant à l’origine du droit coutumier du Punjab colonial ; deuxièmement, elle vise à démontrer le processus de passage des coutumes au droit coutumier par le biais des compilations et la mise en place des juridictions ; troisièmement, elle entend aussi mettre en avant les différents enjeux politiques et sociaux du droit coutumier, concernant l’identité religieuse d’une part et les droits des femmes d’autre part.