Thèse soutenue

Lier et délier le trône : Mohammed V, dernier sultan et premier roi du Maroc (1909-1961)

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Auteur / Autrice : Benjamin Badier
Direction : Pierre VermerenJulie d' Andurain
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 17/11/2023
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale d'Histoire de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Sorbonne-Identités, relations internationales et civilisations de l'Europe (Aubervilliers, Seine-Saint-Denis ; 2002-....)
Jury : Président / Présidente : Nicolas Michel
Examinateurs / Examinatrices : Pierre Vermeren, Julie d' Andurain, Mounia Bennani-Chraïbi, Aomar Boum, Philippe Pétriat
Rapporteurs / Rapporteuses : Claire Fredj

Résumé

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Mohammed V (1909-1961), sultan puis roi (1927-1953/1955-1961), jouit dans son pays d’un très grand prestige pour son rôle dans l’accès du Maroc à l’indépendance. Il est la figure centrale de l’historiographie officielle, ce « roman royal » qui est l’un des fondements du régime monarchique marocain jusqu’à nos jours. L’objectif de cette première biographie scientifique est de rendre à la vie du monarque son historicité et sa contingence, tout en analysant comment il est devenu, dans les faits et les discours, le « père de l’indépendance » marocaine. En décalant le regard des politiques coloniales françaises au sein du Protectorat (1912-1956) vers les élites marocaines, et en premier lieu le monarque et la dynastie alaouite, cette thèse analyse la mise en place après 1912 du « sultanat protectoral », forme particulière de collaboration coloniale qui permet la survivance de cadres précoloniaux et de réseaux politiques marocains. Cette approche permet ensuite de comprendre la phase de lutte pour l’indépendance non seulement comme une crise coloniale, mais surtout comme une crise politique marocaine, qui menace l’existence même de la monarchie, comme en témoignent la déposition et l’exil du sultan. Dans les premières années qui suivent sa restauration et le seuil convenu de l’indépendance, la monarchie doit se réinventer, poursuivre la décolonisation tout en construisant un Maroc nouveau, alors que les nationalistes revendiquent l’exercice effectif du pouvoir aux dépens du Palais. Retracer les choix, les paris souvent risqués et les hésitations de l’individu et de son entourage permet de repenser un pan d’histoire politique du Maroc, au-delà du seul fait colonial. La dialectique des alliances de la monarchie avec les Français, les élites marocaines et les nationalistes révèle cinquante années d’adaptation et de survie du régime dans la colonisation, la décolonisation et l’indépendance. Les archives marocaines et françaises, mais aussi les discours du roi et les écrits de ses proches constituent de précieuses sources pour accéder aux aspects les plus humains de l’exercice quotidien du pouvoir monarchique, la santé du roi, ses réseaux politiques, ou encore la représentation de la personne royale. Loin d’être immuable, la monarchie sort profondément transformée de ce règne. La transition de l’Empire chérifien à l’État-nation marocain se double d’une mutation du sultanat en royauté, et d’une redéfinition du contrat politique entre la monarchie et ses sujets. Le trône légué par Mohammed V à son fils Hassan II est à la fois plus fort, plus solitaire et plus autoritaire que celui dont il avait hérité.