« La letteratura come vita ». Intellectuels, histoire et politique à Naples dans les revues culturelles de l'après-guerre : 1944-1961
Auteur / Autrice : | Virginie Vallet-Sève |
Direction : | Pierre Girard, Giancarlo Alfano |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Philosophie mention éthique, politique et droit |
Date : | Soutenance le 11/12/2023 |
Etablissement(s) : | Lyon 3 en cotutelle avec Università degli studi di Napoli Federico II |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de philosophie (Lyon ; Grenoble ; 2007-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut d'Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (Lyon ; 2016-....) |
Jury : | Président / Présidente : Céline Frigau Manning |
Examinateurs / Examinatrices : Céline Frigau Manning, Elena Bovo, Laurent Scotto d'Ardino, Romain Descendre, Emma Giammattei | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Elena Bovo, Laurent Scotto d'Ardino |
Résumé
Cette étude naît de la volonté de répondre à un simple questionnement : dans quelle mesure la Naples de l’immédiat après-guerre, transformée en capitale emblématique de la guerre froide, peut-elle être considérée comme un laboratoire de « letteratura come vita » ? Le climat glacial de l’année 1945 à Naples se trouve marqué par une crise de conscience des intellectuels, qui s’étend jusqu’en Europe. La situation du Mezzogiorno de l’immédiat après-guerre semble comparable avec celle de l’Italie du Risorgimento, dans laquelle la population assume le simple rôle de spectatrice de son époque et du monde politique. Le peuple napolitain se distingue toutefois par son courage lors de l’insurrection spontanée des Quattro Giornate (27-30 septembre 1943). Naples est ainsi l’un des premiers symboles de l’Italie libérée et l’une des premières villes d’Europe à se défaire du joug nazi-fasciste. Un contraste existe entre le chaos qui semble paralyser le Nord et le Centre de l’Italie en 1944, alors que le Sud, qui ressent déjà les premiers effets de la Libération, se projette sur le long terme avec un débat culturel ouvert sur l’Europe et le monde. Les GUF (Gruppi Universitari Fascisti) et leurs revues officielles constituent dans un premier temps le creuset idéal de l’antifascisme parmi les jeunes intellectuels, qui basculent progressivement vers des revues d’orientation communiste. L’engagement civil, moral et politique des ragazzi di Monte Di Dio, passe par la constitution de réseaux importants de militantisme culturel. Après vingt ans d’obscurantisme culturel et de rhétorique vide, un nouveau concept d’une culture universelle et inspirée de l’humanisme, avec un « ritorno dell’uomo all’uomo » comme valeur primordiale, tournée vers l’Europe et le monde, se voit proposé par Massimo Caprara aux lecteurs de l’unique numéro de Latitudine [janvier 1944]. Cette revue, à la fois pionnière et expérimentale, ouvre la saison florissante des revues à Naples, qui s’achèvera avec Le Ragioni narrative (1960-1961). Naples se retrouve toutefois prise dans un double piège, qui conjugue l’omniprésence des Américains au cours de l’Interregno, de 1943 à 1946, au stalinisme écrasant du PCI (Partito Comunista Italiano), dans lequel les notions d’individualité et de liberté sont niées. Notre objectif sera d’étudier les parcours paraboliques de figures tutélaires d’intellectuels, caractérisés par une énergie et des idées communes fédératrices, qui leur permettent de fonder des revues culturelles promises au succès, puis par la dispersion des membres du groupe, accompagnée parfois d’un sentiment de désillusion, suivi d’un exil massif et donc d’une dispersion, où chacun va finalement se consacrer à sa carrière journalistique, littéraire, artistique ou politique. L’analyse croisée de leurs supports culturels nous permettra de comprendre dans quelle mesure l’intellectuel devient un acteur à part entière dans la société napolitaine et dans son pays, du fait qu’il participe à l’élaboration d’une mémoire historique individuelle et collective, mais également d’une identité culturelle. Leur prise de conscience historico-politique va leur permettre d’agir concrètement sur l’histoire de Naples. La question de l’historicité apparaît d’autant plus légitime qu’elle s’inscrit dans le cadre du développement de la Questione meridionale. L’historicité se traduit par le refus de la résignation et la volonté de comprendre le cours de leur histoire à travers la revue, qui se veut à la fois instrument d’analyse et de diagnostic, mais également instrument d’action.