Thèse soutenue

"Quand j'étais mère de famille" : Inventions collectives autour de l'accueil des enfants en âge préscolaire : France, 1968-1981

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Auteur / Autrice : Elsa Neuville
Direction : Manuela Martini
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 09/10/2023
Etablissement(s) : Lyon 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales (Lyon ; 2007-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (Lyon ; 2003-....)
Jury : Président / Présidente : Yves Verneuil
Examinateurs / Examinatrices : Yves Denéchère, Bibia Pavard
Rapporteurs / Rapporteuses : Sylvie Chaperon, Pascale Garnier

Résumé

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De nombreux projets de modes d’accueil alternatifs pour les enfants en âge préscolaire ont été montés dans les « années 1968 ». Cette thèse en étudie trois en particulier : les crèches universitaires, les centres de la petite enfance et les collectifs enfants-parents. Ces projets sont caractérisés par des rapports très différents à l’institution et à l’administration, qui déterminent à la fois leurs revendications, leurs modalités d’existence et leur fonctionnement quotidien détaillés dans la première partie de cette thèse. Ces trois types de projets se revendiquent également tous, à des degrés divers, de l’héritage de la crèche montée dans la Sorbonne occupée en mai et juin 1968, à laquelle un chapitre est également consacré. Ces projets ont en commun de s’envisager au service d’une émancipation collective, destinée à transformer à la fois les relations entre hommes et femmes et entre adultes et enfants. Cette recherche d’égalité passe notamment par l’élaboration d’un discours sur la mixité dans les institutions de prise en charge des enfants en âge préscolaire, dont les hommes sont alors presque totalement absents. Au sein de ces projets, ces revendications pour la mixité sont parfois mises en pratique, notamment avec le recrutement de salariés hommes et un encouragement voire une obligation à la participation des pères. Cependant, malgré ces revendications, ces projets restent majoritairement imaginés puis portés par des femmes. L’identification fréquente de ces projets à des familles élargies tend à y recréer une difficulté à identifier les tâches faites au sein de la famille comme un travail. Elle permet cependant aux parents à l’origine de ces projets d’y trouver des lieux où penser et essayer collectivement d’autres manières d’être parents, dans une situation où leur propre modèle parental est souvent envisagé comme un contre-modèle. En s’identifiant à des familles élargies, ces projets participent à repousser les frontières de la parentalité, reconnaissent l’importance de la vie quotidienne dans son exercice et déconstruisent partiellement l’organisation sociale inégalitaire entre hommes et femmes fondée sur une séparation entre sphère publique et sphère privée.Tous les acteurs et actrices des projets alternatifs étudiés dans cette thèse portent également un idéal de redéfinition de ce dont sont capables les enfants en bas-âge. Leur réflexion autour des manières de faire avec les enfants s’appuie sur une mise en pratique d’expérimentations quotidiennes, faite d’essais et d’erreurs à-partir desquels sont élaborés des fonctionnements collectifs. Leurs sources de réflexion théoriques sont issues à la fois de courants issus de l’éducation nouvelle, de la psychanalyse ou encore des écrits antiautoritaires nombreux à la période étudiée. Au-delà de ces influences, ces projets mettent surtout en œuvre un dispositif d’observations des enfants, à-partir desquelles sont élaborées des propositions d’organisation concrètes. Cette place centrale de l’observation des enfants renverse le schéma classique selon lequel l’enfant apprend de l’adulte, en plaçant l’enfant dans une position d’apprendre à l’adulte s’il ou elle sait prendre le temps de l’observer.