La navigation spatiale chez le singe : Un voyage inter-espèces au-delà de l'hippocampe
| Auteur / Autrice : | Marie Vericel |
| Direction : | Sylvia Wirth |
| Type : | Thèse de doctorat |
| Discipline(s) : | Neurosciences |
| Date : | Soutenance le 18/12/2023 |
| Etablissement(s) : | Lyon 1 |
| Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Neurosciences et Cognition (NSCo) (Lyon) |
| Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut de sciences cognitives Marc Jeannerod (Lyon ; 2006-....) |
| Jury : | Président / Présidente : Emiliano Macaluso |
| Examinateurs / Examinatrices : Sylvia Wirth, Francesca Sargolini, Jérôme Epsztein, Frank Bremmer | |
| Rapporteurs / Rapporteuses : Francesca Sargolini, Jérôme Epsztein |
Mots clés
Résumé
La navigation spatiale. Derrière ces deux mots, se cachent une multitude de processus cognitifs qui opèrent dans notre quotidien, se manifestant au travers de comportements distincts et d’activités neuronales spécifiques. Ces processus ont été classés en différentes stratégies, dépendant plus ou moins de l'intégration des coordonnées spatiales des éléments de l'environnement et de sa propre position dans une carte cognitive. Au niveau neuronal, ce codage de position dit « allocentrique » se retrouve au travers des cellules de lieu, de grille et de direction de la tête du rat. Cependant, le modèle de la carte cognitive métrique est soumis à des contradictions, découlant d’une part des piètres performances des humains aux tests d’orientation, et d’une autre à la différence de stratégie d’exploration existant entre les rongeurs et les primates, qui analysent leur environnement à distance, par le regard. De plus, les études de lésions et d'inactivation de l'hippocampe (HPC), siège supposé de la carte cognitive, échouent à perturber complètement la navigation chez les sujets. Cela implique que d'autres structures en amont joueraient également un rôle essentiel dans la navigation spatiale. Le cortex pariétal postérieur (PPC) est un bon candidat pour un tel rôle car les patients lésés présentent des syndromes d’héminégligences et des altérations de leurs capacités à suivre des itinéraires. Nous nous sommes intéressés à VIP et LIP (ventral and lateral intraparietal areas), des aires associatives multimodales jouant un rôle dans la perception continue et unifiée de l’espace et dans la programmation des saccades oculaires en lien avec l’attention et la motivation, qui n’ont pourtant jamais encore été enregistrées pendant de la navigation dirigée. Ainsi, les questions qui ont fait l’objet de cette thèse sont les suivantes : 1) quelles sont les stratégies de navigation utilisées par les primates lors d'une tâche de mémoire spatiale ? 2) le macaque est-il un modèle approprié pour l'étude de la navigation spatiale ? 3) comment l'activité de l’HPC est-elle liée à l'exploration visuelle chez les primates ? 4) comment les signaux sensoriels sont-ils représentés dans le PPC pour au final donner naissance à un encodage multiplex lié à la position dans l'HPC ? Les deux premières questions ont été traitées au travers d’une une étude inter-espèces utilisant la réalité virtuelle pour comparer le comportement des humains à celui des macaques dans une série de tests mettant à l'épreuve la connaissance des sujets de leur environnement. Dans un second temps, nous avons enregistré l'activité des neurones de l'HPC et du PPC pendant que les singes effectuaient une tâche de mémoire similaire dans un labyrinthe virtuel. Nos résultats indiquent que, dans l'ensemble, les singes ont employé des stratégies de navigation qualitativement similaires à celles des humains, reposant principalement sur les repères visuels. Les hommes semblaient capables de construire en parallèle une forme de connaissance allocentrique schématisée, bien qu'ils ne l’utilisaient pas par défaut. De plus, l'analyse du regard des singes a montré que leur dynamique d'exploration était liée au degré de réussite de la tâche. Au niveau neuronal, nous avons trouvé une anticipation de l’apparition des repères dans le champ visuel dans l’HPC, ainsi qu’une modulation par le contexte sensorimoteur de la tâche dans le PPC. De manière intéressante, l’HPC était également sensible aux saccades, tandis que le PPC anticipaient lui-aussi l'apparition des repères. Ainsi, les deux régions partagent un rôle actif dans l'exploration visuelle guidée par la mémoire. Nos résultats démontrent globalement comment les facteurs sensoriels, moteurs et cognitifs liés à une tâche de navigation dirigée vers un objectif sont intégrés dans le cerveau de manière spécifique à chaque région, conduisant finalement à des schémas d'activation distincts, correspondant à des positions dans l'espace en lien avec la tâche.