Thèse soutenue

La modélisation computationnelle appliquée à la prise de décision sociale et à la théorie de l’esprit dans des jeux stratégiques de coordination chez différentes espèces de primates

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Auteur / Autrice : Toan Nong
Direction : Jean-Claude DreherEdmund Derrington
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Neurosciences cognitives
Date : Soutenance le 15/11/2023
Etablissement(s) : Lyon 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Neurosciences et Cognition (NSCo) (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut de sciences cognitives Marc Jeannerod (Lyon ; 2006-....)
Jury : Président / Présidente : Catherine Crockford
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Claude Dreher, Edmund Derrington, Mehdi Khamassi, Hannes Racokzy, Jean Daunizeau, Valérie Dufour, Alice Gomez
Rapporteurs / Rapporteuses : Mehdi Khamassi, Hannes Racokzy

Résumé

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L’une des difficultés pour comprendre l’Autre vient de l’inaccessibilité à son état mental : ses buts, croyances, désirs sont la majorité du temps inférés par l’observation de son comportement. L’ensemble des capacités cognitives qui permettent à un individu de se représenter l’état mental d’autrui est défini par la Théorie de l’Esprit. Longtemps considérée comme spécifique à l’espèce humaine, celle-ci reste encore peu comprise des chercheurs sous de nombreux aspects. En particulier, les mécanismes computationnels sous-jacents à la Théorie de l’Esprit restent encore mal caractérisés. Le but de cette thèse est de proposer une analyse computationnelle des comportements sociaux, et plus particulièrement de montrer l’utilité de cette approche afin de caractériser spécifiquement différents aspects de la prise de décision sociale et de la Théorie de l’Esprit. Dans un premier temps, nous avons étudié l’apprentissage de la coordination dans un jeu de « guerre des sexes » simultané et transparent, i.e. qui permet l’accès visuel aux mouvements et décisions de l’autre joueur, chez les humains et les macaques. Nous cherchions à caractériser les paramètres d’influence ainsi que la nature des processus d’apprentissage et de décision mis en jeu dans une tâche sociale de coordination chez différentes espèces. Nous montrons que la nature du processus de décision diffère fondamentalement entre les 2 espèces. Notre seconde expérience avait pour but de comprendre comment l’apprentissage de la coordination pouvait émerger dans un contexte non transparent chez des primates non-humains, des babouins. Grâce à un design expérimental novateur, nous avons montré que leur processus de coordination était mieux modélisé par un modèle d’apprentissage d’influence (« influence learning ») qui prenait en compte une représentation de l’influence du choix du sujet sur celui de l’autre, ainsi que la différence de dominance entre les 2 babouins en présence dans la tâche en condition sociale. En condition non-sociale, leur processus de décision se rapprochait plus d’une heuristique simple de « si je gagne, je continue/si je perds, je change » (Win-Stay/Lose-Switch). Finalement, dans la dernière approche présentée dans ces travaux, nous avons cherché à étendre notre approche à l’apprentissage de la coordination chez les enfants. Nous avons étudié le développement de la capacité à s’adapter au changement d’intentions d’autrui lors d’une tâche de décision dans différents groupes d’enfants de différents âges. A partir de 8 ans environ, la majorité des enfants acquièrent cette capacité qui est décrite par le même modèle computationnel que celui retrouvé chez les adultes : le modèle d’apprentissage d’influence à intentions mixed (« Mixed-Intentions Influence Learning »). Nos travaux s’appliquent essentiellement à l’étude de la coordination stratégique dans un contexte social, mais le principe de notre approche s’étend à tout type de prise de décision stratégique et sociale. La modélisation computationnelle nous a permis de tester et d’expliquer plus précisément les mécanismes décisionnels impliqués dans la Théorie de l’Esprit dans un panel très varié de participants et de situations. Cette thèse souligne la pertinence de cette approche à l’étude des comportements sociaux, et plus particulièrement de la Théorie de l’Esprit, pour répondre aux nombreuses questions encore débattues dans la communauté scientifique.