Origine et évolution de la terrestrialité chez les crocodiliens altirostres

Origin and evolution of terrestriality in altirostral forms of crocodylomorphs

• Auteur / Autrice : Yohan Pochat-Cottilloux
• Direction : Jérémy Martin, Romain Amiot
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Sciences de l'univers
• Date : Soutenance le 13/10/2023
• Etablissement(s) : Lyon 1
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Evolution Ecosystèmes Microbiologie Modélisation (Lyon ; 1999-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes et environnement (Lyon ; 2011-....)
• Jury : Président / Présidente : Gilles Cuny
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Jérémy Martin, Romain Amiot, Alexandra Houssaye, Massimo Delfino, Madelaine Böhme
• Jury : Rapporteur / Rapporteuse : Alexandra Houssaye, Massimo Delfino

Mots clés

Mots clés contrôlés

Géochimie

Paléoécologie évolutive

Phylogénie

Évolution

Crocodiliens

Mots clés libres

Crocodylomorphes

Géochimie

Paléontologie

Phylogenie

CT scan

Crocodylomorpha

CT scan

Geochemistry

Paleontology

Phylogeny

Résumé

Les crocodiliens actuels sont des organismes semi-aquatiques, mais au long de leur évolution, les crocodylomorphes se sont adaptés à différents milieux de vie et ont survécu à de nombreuses crises biologiques. Le mode de vie de ces formes a été déduit de leur anatomie postcrânienne, de leur dentition et de la forme de leur crâne. Par exemple, les crocodylomorphes terrestres présentent souvent une morphologie altirostrale (c'est-à-dire un rostre élevé dorsoventralement). Dans cette thèse, les adaptations à un mode de vie terrestre de plusieurs de ces clades sont examinées de plus près avec les questions suivantes à l'esprit : existe-t-il d'autres indices pouvant être utilisés pour évaluer le mode de vie terrestre de ces organismes ? Comment la terrestrialité est-elle apparue et a-t-elle évolué chez les crocodylomorphes ? La morphologie altirostrale est-elle toujours liée à ce mode de vie ? Tout d'abord, une revue des différentes adaptations non semi-aquatiques dans le registre fossile des crocodylomorphes est proposée et je confirme qu'un mode de vie terrestre est la condition ancestrale du groupe, avec des adaptations ultérieures à l'environnement semi-aquatique et aquatique. Afin de proposer une étude évolutive à grande échelle, les relations phylogénétiques des différents taxons doivent d'abord être comprises le mieux possible. En conséquence, je montre ensuite à travers une revue de la littérature qu'aucune des hypothèses phylogénétiques concernant les relations de certains clades de notosuchiens ne peut être privilégiée, et que cette question bénéficierait de l'ajout d'autres données (postcrânien, structures internes). Une première publication porte sur le statut phylogénétique et taxonomique d'Hamadasuchus, un peirosauridé du Crétacé du Maroc. De nouveaux spécimens permettent d'amender la diagnose d'Hamadasuchus rebouli, la seule espèce de ce genre et de réduire son contenu taxonomique. Un second manuscrit soumis présente de nouveaux spécimens d'atoposauridés du Crétacé de Thaïlande, permettant d'ériger le nouveau taxon Varanosuchus sakonnakhonensis. Ce taxon est adapté à un mode de vie semi-terrestre. L'étude et la reconstruction des structures internes des organismes disparus, par le biais d'analyses tomodensitométriques, constituent un moyen d'évaluer la paléoécologie de ces organismes. L'étude de Zulmasuchus (Sebecidae), Hamadasuchus (Peirosauridae) et Varanosuchus (Atoposauridae) permet de déduire leur mode de vie (respectivement terrestre et semi-terrestre). Un accent particulier est mis sur le signal ontogénétique, phylogénétique et écologique de l'oreille interne, par le biais d'une étude de géométrie morphométrique 3D sur un vaste ensemble de données de taxons existants et éteints. La forme de cette structure est fortement liée à l'ontogénie et minimalement à la phylogénie, mais pas à l'écologie. Un deuxième indicateur est ensuite étudié, à savoir la composition isotopique des tissus du squelette. Les études multi-isotopiques d’éléments indépendants permettent de comprendre le mode de vie et les habitudes alimentaires des organismes disparus, ainsi que leurs relations trophiques et de proposer une reconstruction paléoenvironnementale. Plusieurs faunes du Paléogène d'Amérique du Sud, d'Afrique et d'Europe sont étudiées et confirment que les sébécidés étaient déjà des prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire au lendemain de la transition Crétacé-Paléogène et tout au long de cette période. En outre, l'enregistrement géochimique de la dentine par échantillonnage sérié pourrait également être une approche intéressante, en particulier pour détecter des changements écologiques sur une courte période (c'est-à-dire le temps de développement des dents), comme le montrent les mesures effectuées sur des spécimens existants. Enfin, l'histologie des ostéodermes de certains crocodylomorphes est présentée et représente une perspective intéressante pour de futures études, tant internes qu'externes.

Extant crocodylians are semi-aquatic organisms, but, throughout their evolutionary history, crocodylomorphs have adapted to various living environments, such as water or land, and have survived numerous biological crises. The lifestyle of those extinct forms has been inferred from their postcranial anatomy, their dentition, and their cranial shape. For example, terrestrial crocodylomorphs often display an altirostral morphology (i.e., high rostrum). In this thesis, a closer look is taken at the adaptations to a terrestrial lifestyle of several clades of crocodylomorphs with the following questions in mind: are there any other proxies that can be used to assess a terrestrial lifestyle in those organisms? How has terrestriality originated and evolved in Crocodylomorpha? Is the altirostral morphology always linked with such a lifestyle? First, a review of the different non-semi-aquatic adaptations in the fossil record of crocodylomorphs is proposed and I confirm that a terrestrial lifestyle is in fact the ancestral condition of the group, with subsequent adaptations to the semi-aquatic and aquatic environment. In order to propose a large-scale evolutionary study, the phylogenetic relationships of the different taxa must first be understood as best as possible. As a result, I then show through a literature review that neither of the phylogenetic hypotheses concerning the relationships of some notosuchians clades can be favoured, and this issue would benefit from the addition of other data (postcranium, internal structures). A first publication is focused on the phylogenetic and taxonomic status of Hamadasuchus, a peirosaurid from the Cretaceous of Morocco. New specimens allow to amend the diagnosis of Hamadasuchus rebouli, the only species included in Hamadasuchus and reduce its taxonomic content. A second submitted manuscript presents new specimens of atoposaurids from the Cretaceous of Thailand, allowing to erect the new taxon Varanosuchus sakonnakhonensis. This taxon is shown to be adapted to a semi-terrestrial lifestyle. A powerful proxy to assess the paleoecology of extinct organisms is the study and reconstruction of their internal structures, via CT scan analyses. A review of the different structures with their associated ecological implications is presented, and the study of Zulmasuchus (Sebecidae), Hamadasuchus (Peirosauridae) and Varanosuchus (Atoposauridae) allows to infer their lifestyle (respectively from fully terrestrial to semi-terrestrial). A special emphasis is put on the ontogenetic, phylogenetic, and ecological signal of the inner ear, through a 3D geometric morphometric study on an extensive dataset of extant and extinct taxa. The shape of this structure is heavily linked to ontogeny and minimally to phylogeny, but not to ecology. A second proxy is then put forward, the isotope compositions of skeletal tissues. Multi-isotopic studies of different independent elements allow to understand the lifestyle and dietary habits of extinct organisms, as well as the trophic relationships they had with other organisms from the same fauna and propose a paleoenvironmental reconstruction. Several faunas from the Paleogene of South America, Africa and Europe are studied and confirm that sebecids were already apex predators in the aftermath of the Cretaceous - Paleogene transition and throughout this period. Furthermore, the geochemical recording of dentine by serial sampling could also be an interesting approach, particularly for detecting ecological changes over a short period (i.e., tooth development time or tooth replacement rate), as evidenced by measures on extant specimens. Finally, the osteoderm histology of selected crocodylomorphs is presented and represent an interesting prospect for future studies, both internally and externally.