Thèse soutenue

Mobilisation de gènes d'antibiorésistance chez Streptococcus suis par conjugaison

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Auteur / Autrice : Manon Dechêne-Tempier
Direction : Corinne MaroisVirginie LibanteSophie Payot-Lacroix
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Écotoxicologie, biodiversité, écosystèmes
Date : Soutenance le 20/11/2023
Etablissement(s) : Université de Lorraine
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale SIReNa - Science et ingénierie des ressources naturelles (Lorraine ; 2018-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Dynamique des génomes et adaptation microbienne (Vandoeuvre-lès-Nancy)
Jury : Président / Présidente : Catherine Belloc
Examinateurs / Examinatrices : Corinne Marois, Virginie Libante, Eric Baranowski, Nahuel Fittipaldi, Xavier Bellanger
Rapporteur / Rapporteuse : Catherine Belloc, Eric Baranowski

Résumé

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L'augmentation de la résistance bactérienne aux antibiotiques (Ab) est un enjeu majeur de santé publique. Ce phénomène s'inscrit dans l'approche « One Health » qui interconnecte les santés humaine, animale et environnementale. Dans ce cadre, l'étude de Streptococcus suis, une bactérie pathogène et zoonotique avec un fort taux de résistance à certains Ab est particulièrement pertinente. En effet, certains sérotypes sont régulièrement responsables d'épidémies mortelles pour l'Homme en Asie. En Europe, S. suis cause d'importantes pertes économiques dans les élevages porcins et des infections humaines sporadiques. L'analyse de souches d'Amérique du Nord et d'Asie ont mis en évidence une localisation des gènes impliqués dans l'antibiorésistance (AbR) sur des éléments génétiques mobiles (EGM), particulièrement sur des ICE et IME, éléments qui sont intégrés au génome bactérien hôte mais, après excision, transférables via un pore de conjugaison. Les ICE sont autonomes et peuvent jouer le rôle d'élément ''helper'' en transférant des éléments non autonomes : les IME. La présence de gènes d'AbR sur de tels éléments constitue un risque important de propagation, mais ces EGM sont encore très peu étudiés en raison de leur identification complexe. En France, la surveillance de l'AbR des bactéries isolées chez les animaux malades (dont S. suis chez le porc) est assurée par le réseau Résapath. En complément de ces données, l'objectif de ma thèse était de déterminer le niveau de résistance aux Ab au sein d'une collection plus diversifiée de souches de S. suis, d'étudier la localisation génomique des gènes responsables de ces résistances et d'évaluer ainsi le risque de dissémination. Notre approche a été de : (1) constituer une collection de 200 souches représentatives de celles présentes en France métropolitaine selon leurs : sérotypes, sites d'isolement permettant de définir trois pathotypes (pathogène, non-clinique et respiratoire), période d'isolement (antérieure ou postérieure au plan EcoAntibio), hôte (porcs, Homme, sanglier) et régions géographiques d'isolement (la moitié en Bretagne, région de forte densité d'élevages) ; (2) réaliser les antibiogrammes des souches vis-à-vis de 22 Ab, utilisés en médecine vétérinaire et/ou humaine ; (3) séquencer 102 souches sélectionnées en fonction de leurs profils de résistance ; (4) assembler, annoter les génomes puis localiser les gènes d'AbR, de virulence et de compétence ainsi que les ICE et les IME. Nos analyses ont montré que 86% des souches étaient résistantes à au moins un Ab avec un faible taux de résistance aux fluoroquinolones, aux pénicillines, à la pleuromutiline et aux diaminopyrimidine-sulfamides, et un taux très élevé pour les macrolides-lincosamides et la tétracycline. Des profils de multirésistance ont été observés dans 138 souches, en cohérence avec les données européennes. La recherche des gènes d'AbR dans les génomes de S. suis a mis en évidence une diminution de leurs fréquences chez les souches isolées post-Plan EcoAntibio et un nombre statistiquement plus élevé de gènes d'AbR chez les souches non-cliniques. De plus ces gènes (n=217) sont majoritairement localisés sur des ICE/IME. Plus de la moitié des souches porte un IME, contenant des gènes de résistance à la tétracycline et aux macrolides-lincosamides, inséré dans un ICE de la famille Tn5252. Ainsi, S. suis possède probablement un potentiel élevé de propagation des gènes d'AbR. La résistance aux pénicillines concernait 5% de la collection analysée. Une éventuelle diffusion de cette résistance serait préoccupante en raison de l'importance des β-lactamines dans le traitement des infections à S. suis, tant en médecine vétérinaire qu'en médecine humaine. Nos résultats sont complémentaires de ceux du réseau Résapath et démontrent l'intérêt d'étudier des souches de sérotypes moins fréquemment impliqués dans des cas pathologiques ou des souches de portage afin d'améliorer le suivi de l'antibiorésistance en France.