Les troubles musculosquelettiques (TMS) sont l’une des principales causes de maladies professionnelles et d’incapacités dans le monde. En raison d’un risque individuel augmentant avec l’âge, les évolutions globales du contexte professionnel (vieillissement de la population active mondiale, allongement des carrières) sont susceptibles de se traduire par un fardeau accru de ces pathologies dans les prochaines décennies. Pourtant, peu d’efforts de recherche ont été déployés afin de produire des estimations fiables du fardeau de ces maladies sur les prochaines années. De telles projections pourraient pourtant apporter des éléments importants pour les entreprises et les pouvoirs publics, afin de mieux anticiper et prévenir ce fardeau. L'objectif principal de cette thèse est de reconstruire la dynamique passée des TMS d’origine professionnelle dans le but d’obtenir des projections de ces pathologies à l’horizon 2035. Pour ce faire, la première étape de ce travail a consisté à analyser la distribution spatio-temporelle des TMS dans le monde entre 1990 et 2019 en utilisant les données du Global Burden of Disease (GBD). Cette étude a notamment permis de mettre en évidence que les seuls éléments démographiques ne suffisent pas à expliquer la distribution spatio-temporelle globale des TMS, suggérant ainsi l’importance de la prise en compte de l’évolution du contexte professionnel. La deuxième étude a visé à recueillir et à analyser les éléments de preuve disponibles concernant l'influence respective de l'âge et du temps calendaire sur la survenue des TMS en effectuant une revue systématique de la littérature. Cette revue a permis de mettre en évidence que des facteurs autres que l’âge, notamment l’évolution des expositions professionnelles et des facteurs culturels en lien avec la reconnaissance de ces maladies, peuvent expliquer les tendances temporelles dans la survenue des TMS. Enfin, nous avons évalué la faisabilité et la pertinence de l’utilisation de modèles initialement développés pour l’étude de maladies infectieuses - les modèles sérocatalytiques – que nous avons adaptés à des affections de plus ou moins longues durées pour modéliser l’évolution passée des TMS et ensuite projeter leurs tendances temporelles jusqu’en 2035. Ces modèles nous ont notamment permis de dissocier les effets des évolutions démographiques et des tendances séculaires dans les déterminants impliqués dans la survenue de la maladie (comme l’évolution des expositions professionnelles), de la déclaration de la propension à notifier ces maladies (comme l’évolution dans les méthodes de diagnostic) ou encore de prise en charge de ces pathologies.Ce travail de doctorat démontre ainsi que l'utilisation de modèles sérocatalytiques est faisable et pertinente pour projeter l'évolution des TMS liés au travail. Il a notamment permis de mettre en évidence la nécessité de considérer, pour une meilleure compréhension et prévention de ces dernières, non seulement l'effet de l'âge, mais également de l’évolution temporelle du risque de TMS en fonction de l’âge. Ce travail pourra ouvrir la voie à l’utilisation de ces modèles dans le cadre des études sur les TMS, afin à terme, d’aider à guider les politiques de prévention dans les entreprises et auprès de la population mondiale. En conclusion, les trois études présentées dans ce manuscrit offrent une vision globale de l'évolution des TMS liés au travail en prenant en compte l'âge et le temps séculaire. Elle met en lumière l'importance de considérer ces deux facteurs pour une meilleure compréhension et prévention de ces pathologies.