Etudes expérimentales et modélisation de l'intégration multisensorielle pour le contrôle de la posture et ses liens avec les cinétoses

Experimental and modelling studies on the multisensorial integration in postural control and its relationship with motion sicknesses

• Auteur / Autrice : Merrick Dida
• Direction : Michel Guerraz, Rafael Laboissière
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Sciences cognitives, psychologie et neurocognition
• Date : Soutenance le 19/06/2023
• Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale ingénierie pour la santé, la cognition, l'environnement (Grenoble ; 1995-....)
• Jury : Président / Présidente : Martial Mermillod
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Christine Assaiante
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Frank Mars, Alain Hamaoui

Mots clés

Mots clés contrôlés

Troubles de l'intégration sensorielle

Mal des transports

Mots clés libres

Cinétoses

Intégration sensorielle

Modélisation

Multisensorial integration

Motion sickness

Modelling

Résumé

L'étiologie du mal des transports (cinétoses) a fait l'objet de deux grands courants théoriques. Selon Reason (1978), les cinétoses seraient causées par des conflits sensoriels émergeants lors de mouvement de l'individu par rapport à l'environnement. A l’opposé, Riccio et Stoffregen (1991) considèrent que les cinétoses seraient provoquées par des instabilités dans le contrôle postural. De nombreuses études empiriques et de modélisation ont été réalisées pour établir une relation entre la stabilité posturale et la susceptibilité aux cinétoses. Bien que la démonstration d'une relation de cause à effet fasse encore défaut, des études récentes suggèrent que les personnes souffrant du mal des transports présentent un déficit dans la sélection et la repondération des informations sensorielles pour faire face aux modifications de l’environnement. Dans cette thèse, nous avons étudié comment l'adaptation posturale se développe et comment les dynamique d'intégration multisensorielle sont modulées en fonction du degré de susceptibilité aux cinétoses.Nous avons utilisé une tâche posturale dans laquelle les participants se tenaient sur une plateforme posturographique avec les yeux ouverts (YO) ou les yeux fermés (YF) pendant trois minutes. La plateforme était statique pendant la première minute (phase de référence), oscillait de façon harmonique ou était asservie à l'angle de la cheville pendant la deuxième minute (phase de perturbation) et revenait à son état stable pendant la troisième minute (phase de retour). Nous avons calculé la densité spectrale de puissance (PSD) de la composante antéro-postérieure du centre de pression sur une fenêtre temporelle glissante d'une durée de 10 secondes. Dans la première expérience (perturbation par oscillation), une analyse en composantes principales (PC) a été appliquée aux PSD. Les résultats ont montré que les participants peu susceptibles aux cinétoses (mesuré par le Motion Sickness Susceptibility Questionnaire) avaient une balance spectrale similaire dans les conditions YO et YF. En revanche, les participants susceptibles présentaient une diminution de la balance spectrale dans la condition YF par rapport à la condition YO. Par ailleurs, les yeux fermés, les personnes peu susceptibles aux cinétoses revenaient beaucoup plus tardivement à leur spectre de référence. Ces résultats suggèrent que les participants peu susceptibles ajustent finement leur spectre dans la phase de perturbation (i.e. repondération) et mettent donc plus de temps à revenir à leur contrôle postural initial, en particulier avec les yeux fermés. Il existe donc une relation entre l'altération de la capacité de repondération sensorielle et la susceptibilité aux cinétoses. Dans la deuxième expérience (yeux fermés, perturbation par asservissement), des ratios d’énergie entre les bandes de hautes (0.7 à 1.3 Hz) et basses (0.1 à 0.7 Hz) fréquences ont été calculés sur des fenêtres temporelles clés. Les résultats ont révélé une corrélation négative entre la susceptibilité aux cinétoses et la différence de ratio entre la fin de la phase de perturbation et le retour à une situation stationnaire. Ces résultats sont discutés en termes de différences dans les dynamiques de repondération vestibulaire et proprioceptive. Cependant, lorsque des informations visuelles sont disponibles (expérience 3), cette corrélation devient non significative. Bien qu'il soit largement admis que l'origine des cinétoses est étroitement liée au fonctionnement du système vestibulaire, les expériences 1 et 2 ont souligné le rôle de l'information visuelle pour les participants susceptibles. La pondération sensorielle ainsi que la capacité de réorganisation sensorielles pourraient être des facteurs prédictifs de la susceptibilité au mal des transports.

The etiology of motion sickness has been the subject of two main theoretical currents. On the one hand, motion sickness is thought to be caused by conflicts in the processing of multimodal sensory information about the individual’s motion relative to the environment (Reason, 1978). On the other hand, the postural instability theory of motion sickness has been proposed by Riccio and Stoffregen (1991) based on the relationship between perception and action control. This theory states that motion sickness will be preceded and predicted by instabilities in postural control. According to both theories, postural dynamics may reflect susceptibility to motion sickness. Numerous empirical and modeling studies have been done to find a relationship between postural stability and the susceptibility to motion sickness (MS). However, while the demonstration of a causal relationship between postural stability and the susceptibility to MS is still lacking, recent studies suggest that motion sick individuals have genuine deficits in selecting and reweighting multimodal sensory information. In this thesis, we investigate how the adaptation to changing postural situations develops and how the dynamics in multisensory integration is modulated on an individual basis along with MS susceptibility.We used a postural task in which participants stood on a posturographic platform with either eyes open (EO) or eyes closed (EC) during three minutes. The platform was static during the first minute (baseline phase), oscillated harmonically or was sway-referenced to the ankle angle during the second minute (perturbation phase) and returned to its steady state for the third minute (return phase). The power spectrum density (PSD) on a 10s sliding window was computed from the antero-posterior displacement of the center of pressure. In the first experiment (perturbation by oscillation with open or closed eyes) a principal component (PC) analysis was applied to the sequence of short-term power density spectra of the antero-posterior position of the center of pressure. Results showed that the less motion-sick a participant is (as measured by the Motion Sickness Susceptibility Questionnaire), the more similar is his balance between high and low frequencies for EO and EC conditions (as calculated from the eigenvector of the first PC). By fitting exponential decay models to the first PC score in the return phase, we estimated, for each participant in each condition, the sluggishness to return to the baseline spectrum. We showed that the de-adaptation following platform oscillation depends on the susceptibility to MS. These results suggest that non motion-sick participants finely adjust their spectrum in the perturbation phase (i.e. reweighting) and therefore take longer to return to their initial postural control particularly with eyes closed. Thus, people have idiosyncratic ways of doing sensory reweighting for postural control, these processes being tied to MS susceptibility. In the second experiment (perturbation by sway referenced with eyes closed), energy ratios (ERs) between the high (0.7 to 1.3 Hz) and low (0.1 to 0.7 Hz) frequency bands of these PSDs were computed on key time windows. The results revealed a negative correlation between MS susceptibility (carsickness questionnaire) and the ER difference between the end of the sway-referenced phase and the return to a stationary situation. These results are discussed in terms of inter-individual differences in vestibular and proprioceptive re-weighting dynamics in relation to car-sickness susceptibility. However, when visual information was available (experiment 3), this relationship became non-significant. Experiment 1 and experiment 2 underlined the role of visual information for MS participants. The sensory organization and reorganization capabilities of individuals could then be a predictor of susceptibility to motion sickness.